mercredi 17 mars 2010

L’oublié de Dunkerque : le 51e Régiment d’Infanterie

Septembre 1944, la France est libérée. Toute la France ? Non, des poches allemandes résistent encore. Dunkerque, comme les poches de l’Atlantique sont encore entre les mains de l’envahisseur.

Les Français en bonne place
En ce mois de septembre 1944, les Britanniques, canadiens et Polonais du 21e groupe d’Armée de Montgomery libèrent la Flandre maritime. Le tableau serait idyllique si les Allemands ne s’étaient pas retranchés dans la poche de Dunkerque, la transformant en forteresse : la «Festung Dünkirchen» sous les ordres de l’Amiral Frisius. La «poche» est tout de même large de 8 km, entre côte et Colme, et longue d’environ 20 kilomètres. Pour parfaire le tout, de larges zones ont été inondées. La population civile a été presque entièrement évacuée au début d’octobre 1944 pendant une trêve et le siège est conduit par le Général Liska…La France Libre n’est pas en reste, elle fournit le gros des troupes d’infanterie placée d’abord sous les ordres du «Capitaine Bourgeois», Edouard Dewulf dans le civil. Très vite, le commandement est confié au Chef d’Escadron Lehagre qui s’installe dès le 23 septembre à Wormhout. Il organise les Forces Françaises de l’Intérieur en deux bataillons : le bataillon «Jean Bart» confié au commandant Dewulf et le bataillon «Dunkerque» placé sous les ordres du Commandant Pierre Bienassis, auxquels s’adjoint une compagnie de FFI venue de Cassel. Les Dunkerquois bénéficient d’un contrat qui leur est propre : ils sont engagés pour la durée du siège plus 30 jours. Nombre d’entre eux n’ont aucune envie de rester sous les drapeaux une fois l’affaire de Dunkerque terminée. Rapidement, les bataillons regroupent 1.200 hommes. Comme il faut nommer les unités, cette troupe reçoit le numéro 110 à partir du 15 octobre 1944. Le 110e Régiment d’Infanterie renaît de ses cendres. Le commandement est toujours confié au Chef d’Escadron Lehagre qui passe d’ailleurs Lieutenant-colonel en décembre.


L’armée est (aussi) affaire d’administration et les dénominations changent régulièrement au gré des réorganisations. Le bataillon Dunkerque devient le 1er bataillon, le bataillon Jean Bart devient le 2e bataillon, lequel s’installe à Zegerscappel et se dote d’une compagnie de commandement confiée au lieutenant Jean Becaert.

Au 1er janvier 1945, le 2e bataillon du 43e RI, composé de FFI, rejoint le 110e RI et devient son 1er bataillon sous les ordres du chef d’Escadron De Sal. Il prend position à Coppenaxfort, Looberghe et Esquelbecq. Et le 1er bataillon du Chef d’Escadron Bienassis ? Il devient le 1er bataillon du 51e Régiment d’Infanterie. Ce régiment né en 1651, dissous, est remis sur pied pour les besoins du siège. Le 24 janvier, le bataillon de De Sal, devient le 2e bataillon du 51e RI (il existe un 3e bataillon mais jamais il ne vint Dunkerque).

Le 110 est mort, vive le 51e.


Les troupes qui sont à Dunkerque perdent donc le numéro 110. Qu’importe ! Ils sont là avant tout pour reprendre la ville. Vu la nature du terrain, les affrontements se résument à des patrouilles et des duels d’artillerie. Chaque camp piège les abords et chemins et de temps à autres, les alliés bombardent la ville, jetant au passage des tracts pour inciter les soldats du Reich à déserter. Autant dire que les coups de main sont nombreux et particulièrement rudes comme l’attaque alliée sur Uxem du 28 octobre 1944 où les Allemands perdent 150 soldats et autant de prisonniers. Les occupants sont galvanisés par l’offensive allemande dans les Ardennes, ils n’en sont que plus agressifs. Les pertes sont sévères à chaque affrontement et les moyens mis en œuvre souvent inventifs comme le soir du 9 avril 1945 où les Allemands mènent une attaque en canots pneumatiques aussi inattendue qu’elle leur permet de déplacer la ligne de front d’un kilomètre. Nombre de soldats alliés sont faits prisonniers. Il faut se résoudre à conclure des trêves le 16 avril pour récupérer les corps et le 18 pour procéder à des échanges de prisonniers. Pourtant, la fin n’est pas loin, les combats à Berlin obligent l’Allemagne à capituler après le suicide d’Hitler et Frisius reçoit finalement l’ordre de se rendre à son tour, ce qu’il fait à Wormhout le lendemain… La France est enfin libérée, la guerre terminée. Le siège de Dunkerque aura mobilisé 4.500 français, coûté la vie à 117 d’entre eux, 25 sont portés disparus… La ville est remise aux Anglais, quelques incidents diplomatiques plus tard, les Dunkerquois peuvent revenir, les internés civils peuvent les accueillir et tous d’entreprendre la reconstruction de la ville et du port dévastés.

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