samedi 19 septembre 2009

Patrimoine : Les Archives jettent un regard neuf sur la Reconstruction de Dunkerque

Le 4 septembre 1949, place Jean-Bart, la foule se presse pour la pose de la première pierre de la Reconstruction. Un chantier d'une ampleur gigantesque dans une ville détruite qui prendra près de trois décennies. En ce week-end de journées du patrimoine, les Archives de Dunkerque jettent, le temps d'une exposition, un oeil neuf sur les différentes étapes de cette reconstruction souvent décriée.


PAR OLIVIER TARTART

Septembre 1945. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Dunkerque est un «no man's land». Sur 3 362 immeubles, 1 524 ont été détruits, 805 très endommagés. De la gare, on aperçoit le Leughenaer... Créé en 1944, le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme prend en charge l'aménagement d'une cité dont la destinée est confiée à Théodore Leveau, urbaniste en chef, et Jean Niermans, architecte en chef.

Il s'agit de reconstruire le plus rapidement possible Dunkerque et son port (lire ci-dessous). Les propriétaires sinistrés voient vite les dommages de guerre obtenus convertis en m² constructibles, sous régime de copropriété, dans l'un ou l'autre des nouveaux immeubles.

Si la première pierre est posée place Jean-Bart, c'est bien l'îlot de Sainte-Barbe sud qui sort de terre le premier. Avec une architecture tranchant avec l'habitat traditionnel d'avant-guerre, ce qui n'est pas sans choquer, déjà, quelques Dunkerquois, peu familiarisés avec l'habitat collectif. On remembre pour créer des îlots dans un Dunkerque qui gagne nettement en salubrité. Les immeubles sont révolutionnaires d'un point de vue architectural : toits terrasses, porches ornés de sculptures, le tout pimenté d'écrins de verdure en coeur d'îlot.

L'aménagement intérieur des nouveaux logements, novateur, propose alors un confort inédit : l'orientation des bâtiments est primordiale, avec des pièces à vivre baignées par le soleil car orientées au sud-ouest tandis que les pièces de services sont de l'autre côté. Fait rare, Leveau et Niermans ont devant eux une page quasi vierge. Dunkerque devient un laboratoire d'expérimentations. Son réseau de voiries, peu modifié, fait la part belle à l'automobile.

Îlot par îlot, Dunkerque prend le visage qu'on lui connaît aujourd'hui : îlots rouges, îlots bleus et immeubles Carnot et Sainte-Barbe voisinent avec théâtre, gare, Musée des beaux-arts, caserne des pompiers. Quarante ans après leur construction et un plan d'urbanisme stoppé à la fin des années 60 avant son achèvement, le problème de l'entretien des immeubles de cette Reconstruction se pose avec acuité pour préserver ce patrimoine sans transformer la ville en musée. Alors, comment révéler aux Dunkerquois la beauté particulière de cette architecture si décrié et pourtant si quotidienne ? Poser son regard à l'exposition des Archives est un bon début.
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La priorité d'après-guerre : relever le port

1945 : comme la ville, le port est en ruines. En dix ans, les Dunkerquois vont reconstruire cet outil dont ils sont très fiers. Avant de le voir voguer vers le «Far-West»...
Écluses, jetées, môles quais, entrepôts, routes, voies ferrées... tout est à reconstruire quand Dunkerque est enfin libérée. La Seconde Guerre mondiale n'a pas été tendre avec le port dunkerquois, fierté des Dunkerquois, qui employait, avant le conflit, plus de 22 000 personnes.


Alors, les Dunkerquois se retroussent les manches. Comme un symbole, dès 1949, les pétroliers Saône et Seine sont livrés, après avoir passé la guerre dans les cales des chantiers navals et avoir été victimes de sabotage.

Les hangars et entrepôts sont reconstruits, le port se dote de nouveaux équipements. Sur le môle 1, seul l'un des deux entrepôts des sucres est remis en état (l'actuelle halle aux sucres), un chai à vins le rejoint. De nouvelles infrastructures de transit sont édifiées : gare maritime, entrepôt frigorifique et le hangar Léon-Herbart, impressionnant système de voûtes paraboliques en béton, récemment démoli par le Grand Port Maritime. Hangar fruits et primeurs et silos à grains poussent sur les darses : en une bonne décennie, le port est fin prêt avec ses 8,3 millions de tonnes, chiffre prometteur atteint en 1960.

Plus que jamais, il rêve de grandeur, de « Far-West » : la sidérurgie sur l'eau débarque sur le versant ouest du littoral dunkerquois. Le port ouest n'en est qu'à ses premiers babils.
• O. T.
in LA VOIX DU NORD, édition de Dunkerque, 19 septembre 2009

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