mercredi 16 septembre 2009

Fouilles de Fromelles : « Le choc, ce fut de voir les premiers corps les uns à côté des autres »

Les fosses communes sont à présent refermées. À Fromelles, à l'ouest de Lille, les archéologues ont finalement exhumé les restes de 250 soldats britanniques et australiens de la Grande Guerre. Combien seront identifiés ?

La morgue temporaire, dans l'un des baraquements. C'est ici qu'arrivent les corps exhumés. Les boîtes en plastique s'alignent sur des étagères. Une boîte, un corps. Plus précisément les os qui composent les squelettes de ces soldats britanniques et australiens, tombés dans les tranchées ennemies et enterrés par les troupes allemandes en juillet 1916. Deux cent cinquante boîtes, autant de combattants tués pour certains à des milliers de kilomètres de chez eux et qui auront enfin droit à une vraie sépulture.

Les fouilles du champ du Bois du Faisan sont terminées. Une dernière fois, les archéologues mandatés par la Commission des sépultures du Commonwealth (CWGC) ont retourné la terre de la fosse n° 5. La dernière des huit tombes communes dans lesquelles ils ont travaillé depuis mai.
«Le choc, ce fut de voir les premiers corps les uns à côté des autres, raconte Audrey Charvet, l'archéologue française de l'équipe d'Oxford Archæology, choisi par la CWGC pour le "Fromelles project". On s'est alors vraiment rendu compte de la boucherie que fut cette bataille.» Si le travail de terrain est achevé, l'équipe cosmopolite des chercheurs n'a pas quitté le «camp» hautement sécurisé installé dans le petit village des Weppes. Dans les baraquements, le travail d'étude des squelettes et des objets sortis des fosses va se poursuivre encore un bon mois.

L'Anglaise Caroline Barker se définit comme une anthropologue légale. À 41 ans, elle a déjà travaillé sur les charniers de Bosnie, du Guatemala, du Sri-Lanka ou du Timor. La CWGC a fait appel à cette experte indépendante pour diriger le groupe des études anthropologiques. «L'impact de cette bataille est très important pour les Australiens. Nous devons arriver à identifier le plus de corps possible.» Au-delà des prélèvements et des analyses d'ADN effectués sur tous les corps, l'expertise des ossements peut permettre d'en savoir plus sur les soldats tués. «Ce squelette montre plusieurs impacts de balle, détaille l'anthropologue Helen Webb devant sa table de travail où a été reconstitué le squelette entier du combattant qui porte pour l'heure le simple numéro G4 2372B. Il a été mitraillé sur le côté droit. Il était jeune, entre 17 et 20 ans

Un coeur en cuir
Dans une des boîtes, un sac plastique ne protège pas d'os... mais une paire de chaussures, retrouvées aux pieds d'un squelette. Ici aussi, un petit coeur en cuir renfermant une mèche de cheveux. Combien des deux cent cinquante corps exhumés pourront, au final, être identifiés ? David Richardson, le responsable du «Fromelles project» ne peut s'avancer aujourd'hui. «On estime que cela peut prendre de 2 à 3 ans pour comparer les ADN des soldats avec ceux des descendants qui se sont manifestés.» Dans un premier temps, les deux cent cinquante corps seront enterrés individuellement dans le nouveau cimetière de Fromelles, en février. «Durant cinq ans, nous pourrons remplacer l'épitaphe "Soldat inconnu" par le nom qu'on aura retrouvé.» •
JEAN-CHARLES GATINEAU
in LA VOIX DU NORD, édition régionale du 16 septembre 2009

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