samedi 29 novembre 2008

Une Nouvelle Légionnaire

de la Revue L'Illustration no. 3969 du 29 mars 1919

par Albéric Cahuet

Mlle. Louise Thuliez - une Femme Héroique


Tandis que quelques misérables, espions, demi-espions, dénonciateurs, trafiquants, sont envoyés devant les conseils de guerre où ils ont à répondre de leur lâche besogne dans les pays envahis, de nobles figures, plus nombreuses, sont révélées, chaque jour, par les reconnaissances qui les entourent, Mlle Louise Thuliez, que M. Clemenceau vient de décorer de la Croix de guerre et de la croix de la Légion d'honneur, est une de ces hautes physionomies de dévouement et de totale abnégation patriotique.

Etudiante à la Faculté des Sciences de Lille avant la guerre, surprise par l'invasion à Saint-Waast-la-Vallée, dans le Nord, où elle passait ses vacances, Mlle Thuliez s'ingénia d'abord à ravitailler les soldats, français et anglais, qui se cachaient dans la région, puis à faciliter leur évasion en Hollande par la Belgique. Avec l'aide d'une de ses amies, Mlle Moriamé, de Saint-Waast, morte en 1918, religieuse dans un couvent de rédemptoristines, elle en conduisit ainsi plus de deux cents, les uns après les autres, durant plusieurs mois, en Belgique, où elle les confiait à miss Cavell.

Le 31 juillet 1915, sur quelque dénonciation sans doute, Mlle Thuliez était arrêtée à Bruxelles, chez M. Baucq, architecte, et incarcérée. Deux mois après, un conseil de guerre la condamnait à mort, peine commuée en celle des travaux forcés à perpétuité sur l'intervention de l'ambassade d'Espagne et du Saint-Siège. Mais, le 20 décembre, un autre conseil de guerre condamnait une seconde fois à mort, sous l'inculpation d'espionnage, Mlle Thuliez, qui ne fut cependant pas fusillée. Emmenée à Siegburg, près de Cologne, elle fut enfermée en prison cellulaire jusqu'au 8 novembre 1918, où la révolution allemande la délivra.

Cette Croix de guerre avec palme, cette Légion d'honneur, récompensent une énergie jamais abattue, une vaillance obstinée, qui impressionnèrent jusqu'aux juges des conseils de guerre allemands, jusqu'aux geôliers qui manifestèrent presque des égards à une telle prisonnière.

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