mercredi 24 septembre 2008

LILLE : La médaille de Juste parmi les nations décernée à feu Félicien Hautcoeur, ancien secrétaire général de la mairie

C'est la distinction suprême remise par l'État d'Israël à ces personnes non juives ayant risqué leur liberté voire leur vie pour sauver des Juifs, sous l'occupation nazie.
Félicien Hautcoeur fut l'une de ces personnes. Responsable du ravitaillement à la mairie de Lille pendant la Seconde Guerre mondiale, il délivra des bons d'alimentation et de nouveaux papiers à des centaines de Juifs et d'évadés de guerre.
Le courage et l'humanité de ce grand homme, promu par la suite secrétaire général de la mairie de Lille par Augustin Laurent, seront salués à titre posthume, ce matin, à 11 h 30, à l'angle des rues de Béthune et des Tanneurs, où le parvis des Justes sera également inauguré.
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in LA VOIX DU NORD, édition régionale du 24 septembre 2008
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Félicien Hautcoeur a sauvé des centaines de Juifs d'une mort certaine sous l'Occupation. Un geste qui, selon lui, ne méritait aucunement les honneurs. Pourtant, ce matin, la distinction de « Juste parmi les nations » lui sera accordée, à titre posthume. Une reconnaissance demandée par Jeannette, qui avait 14 ans quand l'ancien secrétaire général de la mairie de Lille lui a sauvé la vie.
Érigé en exemple, reconnu «Juste parmi les nations». Félicien Hautcoeur aurait sûrement été gêné de recevoir tant d'honneurs. Mais il aurait sûrement compris pourquoi Jeannette Lesturgeon tenait à le faire reconnaître, lui qui lui a «permis de vivre». C'était au printemps 1942. Jeannette avait 14 ans. «Nous connaissions un peu la famille Hautcoeur, se souvient-elle. Félicien travaillait à la mairie de Lille en tant que responsable du ravitaillement. Il nous avait rencontrés quand il était en charge des marchés, mes parents étant marchands forains. Sans que mon père ait demandé quoi que ce soit, Félicien Hautcoeur a encouragé mes parents à partir, craignant pour leur sécurité. Comme il avait accès aux papiers officiels vierges, il nous a fait faire de fausses cartes d'identité. De Kuppermann, nous sommes devenus les Vanden-strael. Un nom un peu flamand pour faire oublier le fort accent étranger de maman. Nous avons ainsi pu rejoindre la Dordogne où un résistant boulanger nous a accueillis. Et heureusement, car peu de temps après, la Gestapo nous cherchait à Lille...» La fille de Félicien, Thérèse, se souvient très bien de Jeannette et de sa famille, bien que son père ait aidé des centaines de Juifs et d'évadés de guerre en leur fournissant bons d'alimentation et papiers d'identité. «Mon père nous avait envoyés en vacances voir les Vandenstrael. Il pensait que la blondeur de ma soeur dissiperait les soupçons autour de cette famille. Il a quand même été interrogé plusieurs fois par la Gestapo, alarmée par la disparition de papiers officiels. Mais il continuait : aider les autres allait de soi.» Et c'est pour cette raison que Félicien Hautcoeur, qui devint ensuite secrétaire général à la mairie de Lille de 1964 à 1967, n'en parla plus. Pour lui, c'était ainsi. «Il était droit, juste, discret et modeste», reconnaît Jeannette, dont la famille est ensuite devenue proche des Hautcoeur. Une modestie entretenue par tout son clan. «Nous n'aurions jamais entrepris de mettre à l'honneur notre père, souligne Thérèse Dagnikowski. D'ailleurs, je ne me serais jamais doutée qu'on chercherait à officialiser ce qu'il avait fait. Mais j'en suis très émue.» Des dizaines de personnes le seront tout autant, ce matin. Vingt-neuf membres de la famille de Jeannette viendront de Strasbourg, d'Abidjan, de Guingamp et d'ailleurs pour dire merci à leur façon à ce grand homme «qui a tant fait pour nous». Dix-huit proches de la famille Hautcoeur seront également présents aux côtés des officiels et des représentants du comité français de l'institut Yad Vashem. Cet institut israélien, mémorial de la Shoah, qui au nom du peuple juif, inscrira le nom de Félicien Hautcoeur sur le mur des Justes, à Jérusalem, parmi quelque 23 000 autres noms. •
par Emmanuelle Latouche,
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in LA VOIX DU NORD, édition de Lille du 24 septembre 2008

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