vendredi 29 février 2008

Un poète dans la ville...

A l’approche des élections, opérons un retour sur une figure hors du commun de la politique locale.
Jean Deconinck est né en 1924. Ses études sont interrompues par la guerre comme nombre de jeunes de son âge. Il n’empêche, à la Libération, il devient enseignant ! Transmettre mais aussi créer : en 1946, il publie «L’Hosanna du sang» en hommage aux martyres de la résistance et fonde le «Lelian Club» avec d’autres artistes. L’année suivante, il créé les éditions «L’Amitié par les Arts» qui publie une anthologie de poètes dunkerquois. La même année, il se fait appeler Jean Vigny et publie son «manifeste pour un néo-romantisme». Son espoir ? Toucher le plus de gens possible.

Mais bientôt, l’artiste doit s’effacer devant le politique car Jean Deconinck s’investit aussi dans la vie locale… Il acquiert vite notoriété et savoir faire. Il entre en politique comme on entre en religion, pleinement, corps et âme, humblement. L’occasion lui est donnée avec une première liste municipale en 1947. Sur un littoral «rouge», ce socialiste est mis en ballotage par les communistes… qui se désistent. Le voilà maire de Fort-Mardyck à 23 ans et demi ! Il sait les forces mais surtout les faiblesses de cette petite commune vivant dans les réminiscences d’un passé lointain. Dès le premier mandat, il pose une demande d’abrogation de la concession des matelots-pêcheurs, un cadeau de Louis XIV qui s’est empoisonné au fil du temps. Cette libéralité devait fixer le recrutement de la flotte qui n’arrivait pas à garder ses marins durablement lesquels, puis leurs descendants sont propriétaires du sol fort-mardyckois. Dans les faits, aucun habitant ne peut être propriétaire de la parcelle sur laquelle il édifie sa maison et donc… ne peut vendre sa maison car seuls les murs lui appartiennent… Ce statut est une véritable prison légale. En même temps, il demande le rattachement du triangle de Grande-Synthe à sa commune… Il est jeune mais il doit être patient…

Le temps des confirmations
En 1953, sa liste emporte 61% des voix. Fort-Mardyck se tourne vers l’avenir avec des projets plus ambitieux et ne peut plus vivre comme un hameau perdu dans ses dunes. Les élections de 1959 sont un véritable plébiscite. Il recueille 95 % des suffrages avec une abstention ridicule : seulement 15 %. Le virage amorcé au mandat précédent se confirme. Il créé immédiatement le baby-zoo, véritable jardin d’enfants peuplé d’animaux pour le plaisir des petits qui se veut un contrepoids à la construction d’Usinor et de ses hauts-fourneaux qui barrent le ciel lorsque l’on regarde vers la mer qui était si proche et dont l’accès est désormais interdit par le grand bassin d’évolution. Et comme le géant d’acier attire, que la France connaît une explosion démographie inédite avec le baby-boom, il voit les H.L.M. se multiplier sur sa commune et, comme ailleurs, il fait ouvrir de nouvelles classes… Quelle meilleure satisfaction pour un enseignant ? Le maire reçoit aussi sa part de satisfaction puisqu’en 1962, il obtient enfin la fin de la concession des matelots-pêcheurs. La commune reprend tous les terrains et opère leur revente en priorité aux propriétaires des maisons…

Néanmoins, n’être que maire n’aide pas toujours pour faire avancer certains dossiers. C’est donc tout naturellement qu’en 1964, il se présente aux élections cantonales. Elu au deuxième tour contre son voisin Gaston Tirmarche, il devient donc Conseiller général. Un succès confirmé dans sa commune l’année suivante lorsque sa liste aux municipales recueille 95% des votes ! De 1966 à 1970, il préside le SIERD (Syndicat Intercommunal d’Equipement de la Région Dunkerquoise) qui œuvre avant tout pour l’assainissement de l’agglomération qui ne cesse de croître. Puis les compétences du SIERD passent à la CUD créée le 21 octobre 1968. Il en assure alors la vice-présidence. Le bilan est bon, excellent même puisqu’aux élections cantonales de 1970, il enlève 75 % des voix. La joie est de courte durée car le 8 mars 1971, il est terrassé par une crise cardiaque. Il ne peut alors voir le rattachement du triangle de Grande-Synthe et des salines demandé neuf ans plus tôt… Fort-Mardyck et le canton perdent alors plus qu’un maire, plus qu’un poète… Quoi de plus naturel alors que de donner son nom à un collège construit à Saint-Pol-sur-Mer, à quelques encablures de sa commune ?

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