mercredi 29 mars 2006

Double hommage: le torpilleur Vauban fut construit à Dunkerque. Les travaux commencèrent en 1930, il fut lancé en 1931... Malheureusement, la carrière fut courte puisqu'il fut perdu lors du sabordage de la flotte à Toulon en 1942...
Hommage des marins flamands à celui qui oeuvra à faire entrer les Pays-Bas espagnols dans le royaume de France et fit, peut-être à tort, de la course la seule véritable force de frappe navale au service de son roi...

lundi 27 mars 2006

Quel meilleur cadre que le beffroi, au nouveau coeur de la ville pour parler du Carnaval?

Il est loin le temps où l'on trouvait un sanatorium sur la plage de Saint-Pol-sur-mer. Edifié par Georges Vancauwenberghe, maire puis député, les lieux accueillaient des enfants qui venaient se refaire une santé au bord de la mer du Nord. C'était longtemps avant qu'il n'y ait des usines et des cheminées de raffinerie.
Très vite, il fut transféré à Zuydcoote où il perdure en tant qu'hôpital maritime.
La plage quant à elle fut vendue au port de Dunkerque en 1913, puis elle finit par disparaitre dans les années 50, victime de l'agrandissement de la zone portuaire puisque l'on y creusa le bassin d'évolution où se trouve usinor-arcelor, l'estran recouvert de plaques de béton pour renforcer la digue naturelle qu'il devint nécessairement.
Pour les plus vieux Saint-Polois, cela fleure le souvenir où les enfants, après avoir couru dans les dunes, pouvaient de jeter dans une eau encore claire.

Au rang des souvenirs lillois, la fontaine Wallon ornait la place de la République, sur l'angle rue Gauthier de Chatillon. Monumentale et appréciée des lillois, elle manque depuis de longues années au promeneur qui venait l'été y chercher la fraicheur.

les bonnes recettes de la cuisine flamande

C'est bonheur que de feuilleter ce livre de Jacques Messiant, comme toujours mais là, on reste scotché aux pages ornées des magnifiques illustrations de Roger Flament. C'est qu'il connaît son sujet le grand Jacques, une "fine gueule", un bon et vrai Flamand qui n'aime rien de moins que les bonnes parties de rigolade et la bonne chair. Et ça se sent, tout transpire ici la joie de vivre, la truculence et la force tranquille du bonhomme qui fédère plus encore autour d'une table. Et, Diable!, il sait en faire profiter.

Madame peut se muer aisément en cuisinière digne de Lucullus car les pages livrent les secrets de la cuisine de Flandres: les soupes, les entrées, les moules et poissons, les viandes etr autres gibiers et volailles, les légumes, c'est une valse des saveurs qui s'annonce. Un livre d'hédoniste, quoi! Evidemment, il est impossible de faire l'impasse sur les bières et autres lampées de genièvre...



C'est un excellent complément à ses précédents et nombreux ouvrages sur la question. Et puis, le livre peut aussi être un excellent cadeau sans risquer de froisser la maîtresse de maison. Au passage, il égratigne avec force de conviction quelques idées reçues comme l'origine du Potjevlees ou sa composition. On verse même dans le plat saisonnier rare dans nos restaurants comme les jets de houblon. Bon, le lecteur aura compris, il faut l'avoir non pas sa bibliothèque mais dans sa cuisine, voire même en double, sur la table de chevet histoire de préparer des rêves aux arômes rares et aux fumets délicats...

...Et quand la bazenne criera "à table", elle sentira le vent dans ses cheveux car personne ne prendra le risque d'arriver en retard!!!

Jacques Messiant : Les bonnes recettes de la cuisine flamande
éditions LIBRIS, collection carnets d'ici,
septembre 2005, 96 pages, ISBN 2-84799-073-9

mercredi 22 mars 2006

Nous sommes tous des réfugiés de Sangatte

Comme ces réfugiés belges à Boulogne en 1914, chassés par l'avance allemande, nous sommes tous des réfugiés.

La grande majorité des familles du Nord et du Pas-de-Calais ont subi les avancées prussiennes de 1870, les occupations allemandes des deux guerres mondiales et que ce soit pendant les combats ou parce que l'occupant leur ordonna, il fallut à des milliers d'entre eux prendre les chemins de l'exil, parfois pour de longues années. A une génération d'intervalle, ce sont parfois les mêmes qui durent quitter leur logis en laissant le peu de biens qu'ils avaient derrière eux.

Ainsi, en 1914, ma grand-mère maternelle, enfant, dut partir en Sologne car l'agglomération dunkerquoise une fois transformée en camp retranché vit partir ce que le général commandant la place appella les "bouches inutiles". 26 ans plus tard, mariée et mère de famille, elle vit se déchainer sur sa ville les feux du ciel. En 1944, elle dut quitter son mari, resté sur place comme pompier et partir enceinte et accompagnée de ses enfants vers le département de l'Aube. L'accueil là-bas ne fut pas exceptionnel, on les y traita de "boches du Nord", on refusait même de leur vendre l'essentiel...

Quant à ma famille paternelle, ma grand-mère, jeune mariée et enceinte de son premier enfant, quitta elle-aussi Saint-Pol-sur-Mer avec son mari et ses beaux-parents. Elle atterrit à Montemonrency-Beaufort - dans l'Aube - où tous furent accueillis humainement, avec chaleur au point d'adopter leurs hôtes comme une seconde famille, où son fils aîné naquit, et de continuer à avoir d'étroits contacts encore 60 ans après... C'était pourtant le même département. Dans ma commune, on n'enregistra aucune naissance en 1944, pareil pour la première partie de 1945...


Que l'on se rassure pourtant, nul ici n'incite à la désobéïssance civile, nul n'engage à mettre en péril sa liberté en aidant ou en hébergeant ces hommes jeunes qui à Calais désespèrent d'un passage en Angleterre, sont soumis à de nombreuses vexations et tracasseries, sont privés de toute hygiène, vivent le plus souvent dans des conditions abjectes que l'on refuserait à des animaux. Et pourtant seuls quelques uns s'engagent pour leur porter de l'aide, en courant des risques importants tant les lois contre ces irréguliers sont dures et restrictives.
Je les admire de savoir ainsi se mettre au service des plus démunis, des plus humbles, mais pour ceux qui n'ont pas la possibilité d'agir, gardez à l'esprit que ce pourraient être vos frères, vos cousins, vos fils. Qui sait ce que ce doit être de devoir tout quitter dans l'espoir d'une survie plus que d'une vie, de vendre tous leurs biens, souvent maigres, pour payer les passeurs.

Ne leur jetez pas la pierre, vos parents ou vos grands-parents, vous-même peut-être, avez peut-être connu les chemins de l'exil.

Ne détournez pas le regard, ne maugréez pas... une pièce, un don à une association qui leur porte secours, ou même un sourire, même un regard, ce n'est pas grand-chose, et c'est tout en même temps pour ceux qui n'ont rien... Je garderai toujours à l'esprit que si des gens n'avaient pas accueilli mes famille, mon père et ma mère seraient peut-être nés sur le bord d'un fossé, au fond d'une étable ou sur un tas de gravats... La charité ne connait ni heure ni couleur.

Si ce n'est qu'aujourd'hui il y a beaucoup plus de voitures, la Grand Place de Cassel a malgré tout conservé son cachet.

La Grande Guerre ne fut à Dunkerque qu'une modeste répétition de celle qui allait suivre une génération plus tard.

Dunkerque, une ville dont les tours seules se hissent en 1945 au-dessus de l'horizon.

Dunkerque champs de ruines et où l'Hotel de ville n'est plus que l'ombre torturée de celui construit par Cordonnier.

dimanche 19 mars 2006

Face aux jacquemarts du beffroi de Saint-Pol-sur-mer (photo service communication mairie de St-Pol-sur-mer - J. Pietersoone).

Le soir est tombé sur le terrain de Saint-Pol-sur-mer où les biplans sont alignés devant les hangars (collection privée).

hier comme aujourd'hui... La porte royale de la citadelle de Lille

Hier et aujourd'hui... la porte de Cassel de Bergues

Le splendide château du Steenburg ou manoir Zylof, à Steene, clos de douves, couvert d'ardoises, terminé de tours, était au faîte de sa beauté en 1905, avant une nouvelle restauration.

Souvenirs

Le quartier de la porte de Rosendael a changé, ce ne sont plus les casernes et les pas des factionnaires qui en rythment la vie aujourd'hui mais les déambulations des écoliers et autres lycéens.

1915, alors que la Grande guerre s'est installée, la ville et le port de Dunkerque sont mis à contribution avec la création du camp retranché qui alimente le front dans le secteur de l'Yser. Aux Chantiers de france, protégés par les bastions (qui survivront au démantèlement des remparts Séré de Rivières), on continue de travailler sur le La Pérouse et le cargo n°100. A gauche des navires en construction se dresse alors le hangar de l'aviation maritime qui regroupe les hydravions anglais et français stationnés à Dunkerque.

Le Burg dans le Brouck

Protégée par un marais né de la dernière transgression dunkerquienne, Bourbourg reçu ses premières fortifications sous les Carolingiens afin de reconstituer un litus saxonicum contre les Normands. Longtemps enserrée dans des remparts, renforcée tardivement par des bastions, elle perdit tout intérêt avec Vauban qui la jugea inutile dans la constitution de la Ceinture de Fer

Bourbourg il y a 300 ans, la campagne dans la ville forte...

Landrecies perdit ses remparts à l'orée du XXe siècle. En 1894, il fallait entrer dans la ville par la Porte de France, aujourd'hui totalement disparue...

Blanche citadelle

En guise de préambule, toutes mes excuses pour la piètre qualité de la photographie, prise en 1993 depuis les chambrées de la deuxième compagnie de la Citadelle de Lille alors à la caserne Picardie. Sous la néige, l'hiver fut alors assez rude (surtout pour les pauvres pousse-cailloux que nous fumes en perdition dans les forts pour les sorties terrain), la Porte Dauphine, les pavillons des officiers de Champagne et le parapet présentait un visage inédit qui, bien que nous le jugions charmant, augurait plus de TIG que de batailles de boules de neige...

Encadrée par les deux casernes, la citerne de Gravelines et l'église st-Willibroard constituent un point de repère important dans la ville fortifiée de Bergues.

A la découverte des anciennes fortifications de Saint-Omer

Le livre de Laurent Bocquillon présente la ville de Saint-Omer sous un aspect peu connu. Ville ancienne, ancien évêché qui fut renforcé de celui de Thérouanne après la destruction de cette ville par Charles Quint, la ville se situe au fond de l’ancien estuaire de l’Aa, la reliant naturellement à Gravelines. Quelques plans et photos du plan-relief introduisent une collection impressionnante de photographies prises le plus souvent peu avant le démantèlement ou pendant les travaux. Le visage de Saint-Omer a profondément été modifié. Toutes les caractéristiques militaires de la ville sont évoquées au fil des pages, qu’il s’agisse des remparts, des poternes, des cavaliers d’artillerie comme des portes. Cet album, commenté et argumenté, n’oublie pas l’importance de l’eau pour cette ville posée à l’entrée de la plaine maritime en exposant le problème des canaux et des fossés, qui présentèrent autant d’avantages que d’inconvénients pour la défense comme pour l’expansion de cette cité.

Nord Patrimoine Editions, Cambrai, 2001, 135 pages
ISBN 2-912961-17-3

A la découverte des anciennes fortifications de Calais


Laurent Lenoir s’est intéressé dans cet ouvrage à l’étude des anciennes fortifications, véritable porte de France pour les Anglais qui la possédèrent longtemps. Qui ne connaît pas les fameux Bourgeois de Calais, immortalisés par Rodin et qui trônent face à l’Hôtel de ville ? Le format italien de ce livre permet de montrer plans, photos et gravures des fortifications de cette ville. L’iconographie est riche car Calais a été fortifiée par tous ses occupants : les Anglais, les Français, Errard de Bar-le-Duc à qui l’on doit la citadelle, Vauban qui rénove les remparts urbains et le Fort Nieulay, les fortifications liées à l’agrandissement de la ville au XIXe siècle. Les démolitions volontaires liées aux démantèlement comme celles de la dernière guerre sont le prétexte à une importante et riche iconographie, pour de nombreux sites mis à mal ou détruits autant par les guerres que par la croissance urbaine. Les textes sont concis et vont à l’essentiel pour expliquer l’importance de cette ville qui s’est finalement retrouvée en seconde ligne de défense du Pré carré défini par Vauban.

Nord Patrimoine Editions, Cambrai, 2001, 136 pagesISBN 2-912961-14-9

Nostalgie, quand tu nous tiens

Enfin, nostalgie pour nos grands-parents quand même... Ah, le vert paradis des souvenirs enfantins...
Le Tour de la France par deux enfants est un petit livre, réédité en format de poche, mais qui a eu une influence extraordinaire. Publié après la perte de l’Alsace-Lorraine au Traité de Francfort, ce livre de G. Bruno, lauréat de l’Académie Française, était destiné aux enfants du cours moyen. Livre de lecture courante, manuel général de classe avec ses « gravures instructives » et ses cartes, il relate les tribulations de deux enfants qui quittent Phalsbourg pour un tour de France. Certes, l’ouvrage vaut ce qu’il est : un livre de classe destiné faire connaître la France aux écoliers d’alors mais c’est l’influence qu’il a eu dans une nation meurtrie par la perte de l’Alsace-Lorraine et la défaite, un pays où tous se préparent à la revanche sur le nouvel ennemi héréditaire qu’est devenu l’Empire Allemand. S’il passe en revue les grandes villes, les régions, les personnages illustrent et les pages de notre histoire, c’est dans un but non de propagande mais d’édification. Le propos de l’auteur n’est pas innocent : la France est une grande nation dont il faut préparer les esprits au même titre que le firent les bataillons scolaires. La couverture évoquera certainement des souvenirs aux plus âgés et permettra de découvrir le rôle qu’avait alors l’école aux plus jeunes d’aujourd’hui. D’ailleurs la devise inscrite sous le titre, en page intérieure, ne laisse subsister aucun doute : « Devoir et Patrie »...

Fantastique plongée dans un passé proche dans le temps mais aussi dans les esprits puisque ce livre fut sur pratiquement tous les pupitres de France et de Navarre de longues années.

Editions Belin, Paris, 322 pages
Réédition mars 2002,
ISBN 2-7011-0042-9

A la découverte des villes fortifiées du Hainaut

Le Hainaut, région frontière entre France et Belgique, se situe sur la ligne fortifiée par Vauban pour la clôture du Pré Carré. Ce topo-guide, de petit format, offre le prétexte à se promener dans ces villes qui ont gardé nombre de vestiges de leur passé militaire en se glissant naturellement dans le sac du voyageur. Après quelques pages sur la fortification et une nécessaire galerie de portraits des hommes qui ont façonné le visage militaire de ces villes, du XVe au XIXe siècle, l’ouvrage présente dans le détail les villes d’Avesnes-sur-Helpe, de Binche (en Belgique), Le Quesnoy et Maubeuge. Chaque cité fait l’objet d’une étude détaillée avec plans, images anciennes et photographies mais il se fait pratique en proposant un circuit de visite donnant l’itinéraire et les points de vue à observer.

Topo-guide
Développé dans le cadre du projet interreg II Hainaut/Nord-Pas-de-Calais « Valorisation du Patrimoine Fortifié Transfrontalier », décembre 2001, 79 pages
ISBN 2-9514998-0-9

Il a marqué le Nord

Foch, Ferdinand (1851-1929)

Natif de Tarbes, Foch a marqué profondément l’histoire de la Grande guerre et de nos régions septentrionales. Elevé à la dignité de Maréchal de France, il bénéficia du même titre en Grande-Bretagne et en Pologne. S’il est des officiers supérieurs qui se signalèrent tout au long de la Première guerre mondiale, il reste très certainement celui qui marqua le plus les mémoires.

Ayant fait sa préparation à l’école Polytechnique à Metz en 1869, il est témoin de la tourmente de la défaite française. Engagé pour la durée de la guerre au 4e régiment d’Infanterie, il retourne à Metz en 1871 pour y terminer sa préparation mais doit cohabiter avec les Prussiens, qui casernent dans le collège, et qui tenaient à « faire sentir le poids de leur victoire, et dans des assauts pleins de violence et de brutalité, affirmer à tout propos et sans plus de prétexte, le droit de tout faire qu’elle créait à leurs yeux ». Diplômé de Polytechnique en 1873, sa carrière sous les drapeaux commence dans une France exsangue et traumatisée par la défaite. Finalement nommé professeur d’histoire militaire et de tactique à l’Ecole militaire, dont il assuma le commandement en 1908, Foch prit une part active à la Première guerre dès le début du conflit.

Il bénéficiait d’une solide connaissance de la stratégie, remarquée dans Les principes de la guerre, qu’il publie en 1903 et La conduite de la guerre en 1904. Dans son esprit, rien ne surpasse la volonté de vaincre en s’appuyant sur l’histoire par l’étude de cas concrets. Il préconise des actions simples aisément modifiables : se concentrer sur la destruction des forces principales de l’ennemi, devancer les initiatives de l’ennemi pour ne pas subir ses décisions et de faire reposer l’ensemble sur un renseignement précis.

A la tête de la IXe Armée, il contribue à la victoire de la Marne en septembre 1914, interdisant à l’armée allemande de pousser jusque Paris. Von Kluck, à la tête de ses troupes, voyait le succès de son offensive lui échapper de peu.

L’issue de cette bataille obligea les belligérants à un ultime mouvement de grande ampleur en s’engageant dans la "course à la mer " , chacun cherchant à déborder l’autre. Au terme de celle-ci, le front se fixa durablement des faubourgs orientaux d’Ostende, en Belgique, à la frontière suisse, figeant troupes et états-majors dans une terrible guerre d’usure. Durant cette course, c’est à Foch qu’il échoit de coordonner l’action des troupes françaises, belges et britanniques. La bataille de la Somme marqua momentanément un coup d’arrêt à sa carrière : l’offensive qu’il prévoyait fut un demi-échec tant les moyens manquaient et l’on préféra, faute de coupable, le désigner comme responsable. Il dut attendre que Pétain, désigné commandant en chef des armées du Nord et de l’Est après la crise de 1917, le rappelle. Il est alors nommé chef d’état-major général.
Le 26 mars 1918, il est désigné commandant en chef du front de l’Ouest, commandant toutes les armées, à l’issue de la conférence de Doullens et arrête une nouvelle fois les Allemands à la seconde bataille de la Marne. La même année, le Président Poincaré vient lui remettre son bâton de maréchal. Son action résolue, ses choix offensifs, contraignirent les Allemands affaiblis par le blocus, à demander l’Armistice, qu’ils signent finalement dans le train son train personnel à Rethondes, mettant fin à un conflit de 1561 jours.

La guerre terminée, il s’attache à la rédaction de ses Mémoires pour servir à l’histoire de la guerre de 1914-1918, dans lesquelles tout le conflit est exposé, expliqué et détaillé et constituent un témoignage de premier ordre (publiées à titre posthume).

samedi 18 mars 2006

Des nouvelles du Mur

Trois ouvrages que tout amateur d'histoire militaire ou d'histoire régionale, voire même des deux se doit de posséder dans sa bibliothèque. Ils sont la somme d'un travail considérable.
Le premier, La Batterie Lindemann, explique tout ce qu'il faut savoir sur cet ouvrage du Mur de l'Atlantique aujourd'hui enfoui sous les gravats d'extraction du tunnel sous la manche. Des canons surpuissants pour tirer sur l'Angleterre, bénéficiant des avancées techniques des artilleurs allemands et de l'expérience de la précédente guerre (voir Prédikboom et Leugenboom entre autres). Plusieurs pages sont consacrées à la batterie Todt qui est aujourd'hui un musée. De nombreuses photos, plans et schémas agrémentent un propos technique clair et accessible.

Les deux autres sont les volumes 1 et deux (un troisième est en préparation). Ici, Alain Chazette expose clairement et de façon fort documentée les batteries lourds de marine qui échelonnent nos côtes (vol.1) puis les batteries lourdes sur voie ferrée (dont on peut encore admirer un exemplaire à côté de la Batterie Todt d'Audinghen) ainsi que les batteries entre 194 et 240 mm de calibre (à venir: les batteries côtières semi-lourdes allemandes et françaises entre 164 et 170 mm).

Des ouvrages indispensables à qui découvre ce qui fut le support de la "Forteresse Europe".

Pour les commander:
Histoire et Fortifications (éditeur)
8, rue de Crussol
75 011 Paris
France
ou http://www.histoire-fortifications.com (paiement en ligne possible)


A Chazette : La Batterie Lindemann
editions histoire et fortifications, 96 pages, isbn 2-9516102-5-4
(220 frcs)

A. Chazette : Les batteries côtières en France, volume 1 : les batteries lourdes de Marine
éditions histoire et fortifications, 48 pages, isbn2-9516102-8-9
(15 euros)

A. Chazette : Les batteries côtières en France, volume 2 : Les batteries lourdes sur voie ferrée, Les batteries du 194 mm au 240 mm
éditions histoire et fortifications, 48 pages, isbn 2-915767-00-9
(15 euros)

Nord, terre de batailles (Le Quesnoy, monument de la Division Légère Mécanisée)

en images du côté allemand

C'est un Cd de photographies très interessant que j'ai acquis par internet (par e-bay pour être précis): "Der 2. Weltkrieg in Bildern"... Plus de 3.000 clichés tirés de 25 albums de soldats qui montrent la vie des soldats loin de l'iamge qu'en a donné la propagande. Pourquoi en parler ici, simplement parce qu'au gré des albums (qu'un logiciel de visualisation intégré permet de regarder si vous n'êtes pas équipé) on trouve des photos des ruines de Valenciennes, de Cassel, d'Arras, de Dunkerque. Elles ne sont pas les plus nombreuses, je le concède car la plupart des clichés concernent l'Allemagne et la Campagne à l'Est mais elles ont le mérite d'être inédites et de très bonne qualité. Un seul regret, c'est que l'auteur, s'il a bien respecté les albums, n'a pas toujours réussi à livrer des légendes ce qui fait que l'on ne peut qu'admirer les clichés sans toujours être capable de les remettre dans leur contexte. Un bon investissement pour ceux qui s'intéressent donc à la guerre ou à la technique militaire. Et comme ils s'agit d'hommes, on trouve des photos de genre, comme celles qu'ont fait tous les "bidasses" pendant leur temps de service, quelque soit le pays ou l'uniforme. (le CD porte ISBN 3-937034-78-1)

Pour tout renseignement
Herr Reinhard SELZE
Volmstr. 26
D - 81241 MÜNCHEN
Deutschland
reinhard@soldaten-sterbebilder.de

Il faut bien en convenir, depuis le 27 juillet 1909, la Perfide Albion, grâce à Louis Blériot (eux diraient à cause...), n'est plus une île et la Manche n'est plus un obstacle.

Certes la photo n'a pas été prise dans un de nos ports, mais ce sont quatre Kleineunterseeboote Seehund de ce type qui furent abandonnés par les Allemands dans le port de Dunkerque et reversés à la Marine Nationale. On peut encore en voir un dernier exemplaire au Château-musée de Brest. Si d'aventure vous passez par la Bretagne...

Pour en savoir plus: http://www.netmarine.net et http://www.sous-mama.org/la_base_sous-marine_de_dunkerque_de_1941_a_1958_article121.html

vendredi 17 mars 2006

A l'origine, face au musée des Beaux-Arts de Lille aurait du se dresser la nouvelle mairie, à la limite de la ville ancienne et des quartiers annéxés sous le Second empire. On y construisit cependant la Préfecture, la place ne manquant pas pour une batisse gigantesque à l'iamge du département, nécessitant d'abriter de nombreux services et devant déployer de multiples symboles.
A prendre : le temps de s'arrêter sur la place de la République de Lille et de déchiffrer les emblèmes sur les façades et les frontons de la Préfecture...

Moeder, de Reuze Komt !

C’est un rite parmi d’autres, au moment du carnaval vient le Reuze dans les rues de Dunkerque. Malgré les remous de l’Histoire, juché sur son char et coiffé de son casque romain, il veille sur les carnavaleux … La légende que l’on contait aux veillées dit comment l’on en vit à choisir un tel protecteur dans la paroisse de Saint-Eloi.


Au temps où la Flandre n’existait même pas, sous le règne du « Bon roi Dagobert », les gens de la côte vivaient sous la menace permanente des Reuzes, des géants venus des froides mers de Scandinavie. Attirés par la richesse des villes et des abbayes, ils débarquaient, pillaient, violaient et massacraient tous ceux qui pouvaient « pisser contre la muraille ». Quand ils repartaient, ce n’était pas seulement les sacs emplis de richesses mais aussi les bras chargés des filles les plus plaisantes et d’enfants dont ils étaient particulièrement friands… surtout à la broche. Autant dire que la vue de leurs voiles sur l’horizon emplissaient les cœurs d’une panique tout à fait justifiée. S’établissant à Mardyck et ayant pressuré les habitants jusqu’à l’extrême limite, ils se mirent donc en chasse de nouveaux terrains de jeux, histoire de ne pas perdre la main. Parmi ces nouvelles destinations, ils trouvèrent un village perdu dans les dunes, bâti autour d’une modeste église… Dunekercke !

Allowyn !
Un de leurs chefs de guerre, un géant redoutable et redouté, du nom d’Allowyn, d’une avidité extrême dont ne venait à bout de la cupidité, ni les pleurs, ni les gémissements, un ogre ! Mais voilà, un matin, sans doute trop pressé de faire sa razzia, Allowyn s’empêtre dans les cordages en débarquant et choit lourdement sur la plage. L’image eut été comique si le mauvais sort – ou la divine colère – ne l’avait fait s’embrocher sur son propre glaive. La population voyant le géant affalé et inerte sur l’estran trouva la part belle de se venger. Elle se précipita pour en découdre, enfin… le dépecer. Un seul se trouva pour stopper leur fureur, le bon Saint-Eloi, le fameux conseiller royal, qui leur avait fait adopter le Dieu des Chrétiens. Assurément, cela aurait manqué de charité ! Il le fit porter en sa demeure et s’enferma avec le géant quinze jours durant. A l’aube du seizième, ils sortirent ensemble et se dirigèrent vers l’église où le géant reçu le baptême, torse et têtes nues. L’ogre s’était fait l’agneau. Saint-Eloi demanda à la plus jolie des pucelles de la paroisse de devenir la marraine d’Allowyn…et aussi son épouse. Une fois fait chrétien, le géant retourna en la maison du saint-homme pour en ressortir armé de pied en cape. Stupeur et tremblement pour les habitants mais ils ne purent s’empêcher de lui obéir quand il leur ordonna de construire avec lui un rempart. Bien vite, les anciens compagnons du Reuze, partis à sa recherche, découvrirent une forteresse là où il n’y avait que sable et du haut de la muraille, un géant armé qui les harangua en leur langue, les rejoignit pour les étreindre une dernière fois et les laissa reprendre la mer en paix. Au fil des années, les attaques se firent plus rares, Allowyn continua à protéger la ville, permettant à Dunekercke de se développer au contraire des autres villes constamment ruinées.

De Reuze is dood
Il vécut jusque l’âge avancé de cent ans, un mois, une semaine, un jour et une heure, et quand vint la dernière, il monta sur les remparts en compagnie de ses enfants et de ses meilleurs guerriers, regarda longtemps vers le nord, vers son ancienne patrie. Il but sa coupe jusqu’à la lie, la jeta dans les flots et s’écroula. Les habitants voulurent lui élever une statue mais parmi eux, on ne trouva aucun sculpteur, pas plus de fondeur. Ils décidèrent de tresser des roseaux, et de les couvrir d’étoffes. Le Géant était né. Il fallut aussi lui donner une demeure à sa mesure. Ils se résolurent à construire une haute tour contre leur église. Chaque année, à l’anniversaire de sa mort, c’est lui qu’ils promènent en procession, l’accompagnant au son des cloches et dansant autour de lui. Quant aux Reuzes, ils ne revinrent jamais plus: le géant d’osier leur laissait croire qu’Allowyn avait gagné l’éternité et restait pour toujours le gardien bienveillant de l’église dans les dunes…

Dunkerque XXL?

Cela fait plus d’un an que le referendum s’est terminé, les passions étant retombées, on peut revenir sur une « affaire » que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître…

La peau de chagrin…
La puissance d’une ville s’est longtemps mesurée à ses murailles et au territoire dont elle tirait ses ressources. Le XIXe siècle réduisit considérablement celle de Dunkerque. Entre poussée démographique et essor économique, les édiles dunkerquois créèrent de nouvelles communes. Comme la « peau de chagrin », Dunkerque se résuma à son port et ses murailles. Elle avait su annexer le Jeu de Mail en 1850 pour s’étendre encore un peu mais les communes voisines connaissaient une extension souvent plus rapide parce que la place n’y manquait pas.

Rosendaël, ancien hameau de pêcheurs et de maraîchers fut érigée en commune indépendante de Coudekerque-Branche et de Téteghem en 1860, attirant à elle de nombreux bourgeois de la ville. Malo, issue de la section des Bains de Rosendaël, gagna son indépendance en 1891 et se transforma en station balnéaire. A l’ouest de l’agglomération, les décisions étaient les mêmes : en 1877, Saint-Pol-sur-Mer fut séparée de Petite-Synthe et perdit son nom de Tornegat. Fort-Mardyck continua à se développer, gênée seulement par les privilèges de la concession des marins pêcheurs octroyée par Louis XIV qui leur permettait de construire comme ils l’entendaient.

gestation longue, accouchement difficile
Si l’idée d’une « grande ville à côté d’un grand port » date de 1892, la réalisation est plus lente. Henri Terquem avait bien théorisé la communauté urbaine mais la première intercommunalité ne se fit que lors de la première guerre mondiale, coordonnée par le maire saint-polois Léon Marquis. L’idée de se regrouper revenait souvent. En 1945, L. Burnod dans le journal « le Nouveau Nord » avance l’argument du poids des 100.000 habitants, des économies réalisables, de la nécessité de dépasser les antagonismes personnels, arguments qu’il développait déjà dans les années 1920… Le premier grand pas date de 1949 quand la mairie socialiste de Dunkerque fit le vœu de fusionner : accord de Rosendaël, « oui » sous conditions à Petite-Synthe, réflexion à Saint-Pol, refus de Malo et de Coudekerque-Branche. Il faut encore attendre.

De la théorie à la pratique
En 1959, on compris qu’une politique commune pouvait résoudre bien des problèmes et que seule une grande ville serait un interlocuteur reconnu. Une association est alors créée sous la présidence de MM. Burnod et Prouvoyeur en 1961. Après le décès de Paul Asseman en 1966, ce dernier accède à la charge majorale dunkerquoise. Les travaux de fusion et la naissance de la Communauté Urbaine commencent simultanément. La démission de Paul Douchy à Malo précipite les évènements. La campagne pour l’élection partielle devient un référendum mais sans passion : moins de 50% de participants ! La fusion entre Malo et Dunkerque n’en devient pas moins effective au 1er janvier 1970. Malgré les vicissitudes de la vie politique locale, la fusion avec Rosendaël est proposée à nouveau, toujours sous l’égide de M. Prouvoyeur, le 8 octobre 1971, Petite-Synthe enchaîne le pas à son tour, malgré l’opposition de quelques conseillers qui évoquent un « Anschluss ».

Résultat : au 1er janvier 1972 : Dunkerque comptabilise 80.435 habitants et une assemblée de transition comptant aussi des représentants des villes fusionnées. Ultime sursaut à la fin des années 70 : pour compenser la perte de l’Albeck, quittant la Petite pour la Grande-Synthe, Dunkerque peut s’associer avec la ville de Mardyck. La situation est nouvelle : deux entités s’affrontent avec deux conceptions opposées : le Grand Dunkerque de M. Prouvoyeur et la C.U.D., présidée par M. Denvers.

Et demain ?
Dans la droite ligne de leurs prédécesseurs, les maires de Dunkerque et de Saint-Pol-sur-Mer, vite rejoints par celui de Fort-Mardyck proposent une fusion-association, avec un régime différent des unions précédentes. Le projet est cependant rejeté à Dunkerque par une courte majorité. Les communes ne se marieront pas au début du XXIe siècle, l’idée doit encore faire son chemin…

Le village de Socx en 1917, les changements sont ils vraiment profonds?

1944 ... 1945, les départements du Nord sont libérés. Les villes sont réduites le plus souvent à un champ de ruines, les cinq ans d'occupation qui ont succédé ont été une période faste pour la peur et la haine, des familles séparées, anéanties, l'humiliation permanente par des troupes d'occupation omniprésentes, des rafles, des déportations, des éxécutions et puis au quotidien, les privations et le marché noir. Parfois, la vindicte populaire éclate, dopnne libre cours à la vengeance contre des coupables ou des présumés collaborateurs, on se précipite sur les femmes, au mieux on rase et on humilie, au pire on applique une sentence de mort. Parfois, la justice légale arrive à faire entendre raison à la foule... Rien n'indique au dos de la photo qui et pourquoi l'on punit ainsi. Que le lecteur me pardonne d'avoir censuré les visages, même soixante ans après, et sans savoir si quelqu'un se reconnaîtrait sur ce cliché pris dans la région, je ne veux ajouter au drame car la collaboration comme l'épuration sont des dechirures dont la cicatrisation commence à peine...

A Calais, la décoration martiale de la Porte Richelieu aujourd'hui disparue conte les heures de la ville fortifiée (cliché Médiathèque du Patrimoine)

Quand Giard prit cette photo en 1907, Malo-les-Bains était encore une station balnéaire perdue dans les sables de la Mer du Nord (cliché médiathèque du Patrimoine).

jeudi 16 mars 2006

Formes à découvrir...

Lisiane Degans Dehandschoewerker est une artiste du littoral qui aimerait vous faire découvrir sa passion, elle vous donne rendez-vous à l'Office de Tourisme de Saint-Pol-sur-Mer (au beffroi, place du Chevalier de St-Pol) où vous pourrez découvrir ses sculptures d'argile.

L'exposition se tiendra du 25 mars au 1er avril tous les jours, sauf le dimanche et le lundi, de 10 heures à 12 heures et de 14 heures 30 à 18 heures.


Franchement, se diront certains, quel intérêt de placer ici le lancement d'un torpilleur aux chantiers Schneider de Chalon-Sur-Saône. C'est que ces torpilleurs furent longtemps les représentants de la Royale dans nos ports du Nord et du Pas-de-Calais, à la glorieuse époque de la Défense mobile. Que ce soit de Dunkerque ou de Boulogne, ils sillonnèrent la Mer du nord comme la Manche au départ de nos villes. Puis, un lancement de travers, ce n'est pas si courant. Enfin, nous avons eu et avons encore nos chantiers (celui de Dunkerque est fermé et n'est plus qu'un souvenir, mais un des investisseurs n'était il pas la maison Schneider?) et Boulogne lance encore ses navires à la SOCARENAM, qui fournit pas mal de bateaux à la Royale... L'histoire, fut-elle régionale, a encore de beaux raccourcis à faire valoir.

Un peu d'agitation à Dunkerque où l'onde est troublée par le retour du Dunkerquois.

vendredi 10 mars 2006

in memoriam

Albert et Isabelle, les Archiducs qui administrèrent les Pays-Bas Espagnols au nom du Roi d'Espagne et qui lui firent connaître un second Age d'Or après celui des Bourguignons.

La Cathédrale d'Ypres, dédiée à Saint-Martin, telle que la dessina le Chanoine Sanderus, l'auteur de la Flandria Illustrata, longtemps avant qu'elle ne soit jetée à bas par les obus allemands et relevée par les habitants de la ville martyre.

1866 : une épidémie de choléra dans le Nord

Aujourd’hui encore, le choléra n’est pas une maladie totalement disparue. La presse fait largement écho des risques encourus par les populations en cas de catastrophes naturelles, comme lors des inondations au Mozambique en 2000, ou au cours de grèves du ramassage des ordures ménagères ainsi que la menace fut évoquée pour Marseille en 1999.
Si cette maladie persiste sporadiquement çà et là dans le monde, le département du Nord, comme le reste de la France, lui a souvent payé un lourd tribut, notamment lors de l’épidémie de 1866.

Une maladie terriblement contagieuse.
Identifié seulement en 1884, le bacille du choléra est à l’origine de symptômes qui ont laissé le corps médical de nombreuses années sans réponse, d’autant plus que les épidémies étaient légion dans la région. Le Nord a, en effet, été une terre de prédilection pour la diphtérie, le croup, la variole ou la fièvre typhoïde (la liste n’est malheureusement pas exhaustive)... Ces maladies ayant toutes en commun une contagion rapide et un taux de mortalité assez élevé.

La propagation du choléra est des plus ordinaire puisqu’il se transmet par voie digestive, qu’il s’agisse de l’eau, des aliments souillés par les déjections des malades ou par simple contact. Or, les manifestations de l’infection sont propices à cette transmission, qu’il s’agisse des vomissements ou des diarrhées aqueuses, abondantes et indolores, qui entraînent une déshydratation rapide du malade. Le choléra est une maladie quarantenaire - par définition dangereuse - pour laquelle les médecins n’ont pas nécessairement les moyens de répondre en 1866.

Une nouvelle maladie à la fin du XIXeme siècle
Longtemps confiné à l’Asie, à l’Inde et à l’Afrique du Nord, le choléra se signale en France pour la première fois en 1832 et étonne déjà par sa virulence. En 1866, le département est rapidement en première ligne, d’autant plus qu’une épidémie précédente, d’envergure nationale, avait déjà pris naissance dans le port de Dunkerque en novembre 1848.

L’épidémie de 1866 nous est précisément connue par l’Annuaire Statistique du Département, publié en 1867. L’épisode est assez court mais ses ravages sont importants: le premier cas est signalé le 6 février 1866 dans l'arrondissement de Dunkerque, le dernier est consigné le 22 novembre de la même année dans la région de Cambrai.

La maladie touche 150 communes sur les 660 que compte alors le département, surtout dans les communes ouvrières: Lille, Roubaix, Valenciennes, Dunkerque, Armentières, Halluin... mais «curieusement» épargne l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe. Pour les rédacteurs de l’Annuaire, il semble que la catégorie socioprofessionnelle des malades concernés soit - à juste titre - une cause majeure dans la propagation de la maladie.

L’hygiène et la condition sociale pourraient donc être en cause. Si l’Annuaire statistique du département du Nord offre une description précise des symptômes, ses commentateurs se perdent en conjectures sur les causes:
- «principe vénéneux dans l’air» ?
- altération des eaux alimentaires ?
- mauvaise hygiène des malades ?
La question est d’autant plus cruciale que la répartition des malades en 1866 touche autant les hommes que les femmes et les enfants, et concerne des populations déjà fragilisées par d’autres maux. La mortalité est élevée (fig. 1), non seulement à cause de la maladie, mais aussi par ce qu’elle se présente chez des patients souvent fragilisés. Cette affection ne peut être considérée que comme éminemment préoccupante, le corps médical ne pouvant que supposer son origine et son mode de transmission puis constater le peu de moyens curatifs à disposition.

Une épidémie fulgurante
La chronologie de l’épidémie est somme toute très courte (fig. 2).








La quasi simultanéité des cas ne peut qu’interpeller le corps médical sur une contagion fulgurante donc difficile à juguler, impression renforcée alors par la répartition géographique des patients (fig. 3).

2,9 % de la population totale du département est réellement touchée, 1,4 % décède.
Ceci peut sembler assez peu, mais le plus inquiétant est la mortalité liée à la maladie: 49,9% des malades, tous âges et sexes confondus.




Statistiquement, on peut penser que les populations sont peu concernées alors que ce qui est en cause n’est pas tant la population que sa concentration dans certains quartiers et dans certaines catégories sociales.
Les taux de mortalité par arrondissement évoquent bien la difficulté de remédier à une maladie encore mystérieuse (fig. 4). il ne s’offre donc aux autorités que des moyens préventifs. Restait à déterminer à qui les adresser.

Le choléra de 1866 est-il une «maladie de classe» ?
Indépendamment de l’agent infectieux, les médecins nordistes dénoncent des facteurs susceptibles de favoriser la maladie.
Pierre Pierrard, dans sa thèse qui fait autorité sur la vie ouvrière à Lille sous le Second Empire (P. PIERRARD, La vie ouvrière à Lille sous le second Empire, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 1991, (1ere édition, 1965), 532 pages) ,cite abondamment les observations de ces derniers.

Unanimement, ils mettent l’accent sur le taudis, foyer de maladies dont le choléra n’est qu’une parmi d’autres toutes aussi graves. Toutefois, si pour certaines d’entre elles, on possède alors des remèdes, à l’efficacité amoindrie par une large fraction réfractaire des populations concernées (Les témoins s’accordent à dénoncer la résistance à la vaccination variolique, notamment chez les ouvriers flamands belges de Lille.), le choléra résiste fortement aux traitements à disposition.

La presse s’en fait largement écho. Le Progrès du Nord du 8 décembre 1866 n’hésitait pas à qualifier le choléra de «maladie épidémique du pauvre». Ce n’est là qu’un constat dressé après les épidémies de 1832, 1849, 1854, 1859... durant lesquelles les populations ouvrières, notamment du textile à Lille, furent les plus durement atteintes. Pierrard avance que l’épidémie de 1866, à Lille seulement, fit 2.200 victimes dont 1.300 ouvriers (soit malgré tout 59%!).

L’Annuaire Statistique de 1867 rend compte de ce clivage social: «En examinant aussi les conditions sociales des personnes atteintes par l’épidémie, on constate que c’est la classe ouvrière qui a été presqu’exclusivement frappée pour ainsi dire partout. La raison de ce fait paraît facile à déduire; n’est-ce pas en effet la classe ouvrière qui par ses labeurs, sa nourriture peu substantielle, l'exiguïté de ses logements et, il faut le dire, ses habitudes d’intempérance, se trouve dans la situation hygiénique la plus défavorable? A Valenciennes, cependant, toutes les classes de la société ont dû payer leur tribut au fléau.» (in Annuaire Statistique, page 380)

L’organisation urbaine comme la structure de l’habitat sont en cause et ne cessent d’être dénoncées. La plupart des quartiers ouvriers du département offrent un triste spectacle. Les études sociales de Frédéric Le Play dénonçaient en 1858 la ceinture de fossés cernant les glacis et les fossés et canaux où l’eau stagnait ‘«N°24, La Lingère de Lille, d’après les renseignements recueillis sur les lieux en juillet 1858, par M. L. AUVRAY, traducteur de la marine», in Ouvriers des deux mondes, A l’enseigne de l’arbre verdoyant éditeur, collection: Est-ce ainsi que les hommes vivent?, 1983, 336 pages, pages 195 - 216,). Plus encore, les médecins constataient que les maladies, choléra entre autres, trouvaient un terreau favorable, à Lille comme ailleurs.

A Lille, on déplore alors un habitat humide, froid, misérable, des rues étroites et malpropres, un manque d’hygiène extrême. Les canaux de la ville comme les rues recueillent les déjections. Certains déplorent l’habitude qu’ont les hommes d’uriner dans les fossés à la sortie des estaminets, les femmes celle de se soulager dans les ruisseaux, d’incriminer les déjections qui stagnent entre les interstices du pavage (quoique ce problème, convenons-en, soit encore d’actualité au vu du nombre assez bas de toilettes publiques accessibles dans nos villes modernes...). Les autres villes industrielles ne se distinguent pas non plus par de meilleures conditions de vie dans les quartiers populaires .

La promiscuité est aussi en cause. La plupart des ouvriers s’entassent littéralement dans une ou deux pièces, rarement plus. Les cités, construites par le patronat ne représentent pas toujours un progrès. La courée - typique du paysage industriel du Nord - n’offre pas toujours, semble-t-il, de solutions satisfaisantes sur le plan sanitaire. L’absence de points d’eau en nombre suffisant comme de latrines privées ne plaident pas en faveur d’une réduction des risques... Que penser alors des nombreuses fosses à vidanger, devenant autant de lieux à risque.

Les solutions sont longues à s’imposer, notamment pour l’assainissement de la voirie. Les fossés défensifs ont accompagné les remparts jusqu’à leur démantèlement durant l’entre-deux-guerres, les grandes villes se sont équipées d’un réseau d’adduction d’eau - forcément onéreux - sur la fin du siècle (1871 à Lille avec le captage des eaux d’Emmerin, 1894 à Dunkerque).

Peut-on déjà évoquer une médecine sociale?
Le corps médical du Nord peut sembler impuissant face à cette épidémie, notamment par les difficultés rencontrées pour apporter les soins à des malades souvent réticents. Les exemples abondent pour illustrer les louvoiements de certaines populations, notamment des ouvriers flamands belges, pour se soumettre à des actes préventifs tels la vaccination. Les cas illustrant la vaccination variolique notamment sont parfois assez cocasses.

Le dévouement de certains d’ailleurs est appréciable, parfois même on peut parler d’altruisme total. Il est mis en avant par les rédacteurs du rapport:
«Le corps médical (...) a montré un dévouement des plus louables. Tous ses membres se sont multipliés pour faire face aux exigences des circonstances et les élèves de l’école de médecine de Lille ont vaillamment secondé les praticiens en se rendant spontanément, sur les indications de leur digne Directeur, dans toutes les localités du département où leur présence pouvait être utile. Dans les hôpitaux, les saintes femmes qui consacrent leur vie aux soins des malheureux, ont rempli leurs devoirs avec une abnégation sans bornes et plusieurs d’entre elles ont succombé aux fatigues et aux missions de leur héroïque mission.» (in Annuaire Statistique, page 381). Citons, entre autres, parmi le corps médical, les docteurs Cazenave, Castelein et Morisson, distingués par les pouvoirs publics à juste titre...

Néanmoins, ne pouvant avancer que des suspicions sur les causes de la maladie mais faisant état des facteurs aggravants, le corps médical a ici dénoncé les conditions sanitaires subies par une part appréciable de la population, pour de nombreuses maladies graves, jouant un rôle de prévention et promotion attaché à sa mission, ce qui est d’autant plus important qu’il ne peut qu’émettre des recommandations.

La difficulté réside néanmoins dans les freins économiques comme dans les mentalités . Force est de constater que les progrès sanitaires et hygiéniques ont connu une évolution très lente, et que de nombreuses habitations n’ont obtenu le «confort» moderne que très récemment. La prévention médicale comme dans un passé somme toute encore récent est nécessairement indissociable de l’exercice de la profession. D’ailleurs, le retour de certaines pathologies telles la tuberculose ou l’apparition de nouvelles maladies dont le traitement reste à inventer permet de penser que le médecin est autant observateur et conseiller que prescripteur.

Les jardins de pierres...une création de 1776!

La naissance de l’église-sépulture
Alors que l’évangélisation battait son plein, Charlemagne fit sortir la France du paganisme en interdisant définitivement la crémation des corps, pratique ancestrale qui ne concordait pas avec la résurrection des corps telle que la définissait la théologie. Désormais, les Chrétiens doivent enterrer leurs morts dans l’attente du Jugement Dernier. Les habitudes changent et si le cimetière reste un enclos «sacré», il évolue vis-à-vis des habitudes ancestrales. Si, dans une large part, les Romains incinéraient leurs morts, ils séparaient nettement le monde des vivants, rejetant les cimetières loin des habitations. La christianisation bouleverse quelque peu cette organisation.

Aux tombes et stèles s’ajoute un nouvel élément: la chapelle. Son rôle est de première importance car, chez les Chrétiens, tout fait référence à la mort et à son corollaire qu’est la Résurrection. Autant être en bonne place au moment de la révélation. Plus l’on est proche de la chapelle, meilleures sont - pense-t-on - les «chances» d’être au nombre des élus. Cette pratique est néanmoins appelée à connaître un intérêt supérieur avec la dimension pénitentielle du Christianisme, une religion de la Rédemption, de la componction qui ordonne de rechercher en priorité le salut de l’âme et dont les exigences liturgiques se renforcent avec le développement du culte des morts. Multiplier les messes et les obits. Il faut se rapprocher autant que faire se peut du maître-autel.
Les églises deviennent ipso-facto des lieux de culte, des lieux de vie par les activités économiques qui s’y tiennent à l’intérieur ou dans l’immédiate proximité et surtout des nécropoles.

La nécropole dunkerquoise
Le cas de l’église Saint-Eloi de Dunkerque en est une parfaite illustration puisque le nombre des inhumations fait d’elle la troisième église-nécropole en Europe. la hiérarchie sociale est assez fidèlement reproduite. Plus le défunt se rapproche du chœur, de l’autel, plus il est distingué. Des sondages archéologiques réalisés au cours des années 80 montrent une stratigraphie très dense de corps qui paraissent parfois enchevêtrés. Il est vrai que les générations passant, l’on perd le souvenir du titulaire de la sépulture. pour intégrer les nouvelles inhumations, il faut souvent se résoudre à bouger les restes des prédécesseurs, Parfois même, le fossoyeur les «coupe» pour ouvrir la nouvelle tombe. Le corps n’est plus sacré (sacralité qui fournit fit interdire par l’Eglise les dissections puisque l’homme a été créé à l’image de Dieu), il devient une dépouille, un reste, une relique.
Dans les villes, ces cimetières «couverts» finissent par poser de nombreuses difficultés. A Dunkerque, fidèles et clergé se plaignent de l’odeur pestilentielle que dégagent les corps en décomposition. Régulièrement, les effluves sont telles que certains défaillent en plein office.

Pire encore: Dunkerque est une ville pauvre en eau douce. Les habitants comme les soldats de la garnison ne peuvent compter que sur les eaux pluviales qu’il faut absolument recueillir dans des citernes. L’eau potable n’est arrivée de Houlle que dans la première décennie du XXe siècle et jusque une période assez récente, toute maison se devait d’avoir sa propre citerne. La question de l’eau est vitale dans cette ville... Vauban l’avait bien compris et avait fait édifier à coté de l’église une vaste citerne. De belles dimensions, elle ressemblait à celles que l’on peut encore voir à Bergues et surtout Gravelines. Dans cette dernière ville, elle était alimentée par les eaux recueillies sur les toits de l’église qui la jouxte. les mêmes principes dictaient la construction de la citerne de Dunkerque aujourd’hui disparue. L’on finit par craindre - très certainement à juste titre - que les eaux souterraines souillées par les cadavres finissent par corrompre celles de la citerne dans laquelle elles passaient par capillarité. Impossible de laisser perdurer une telle situation. De nombreux historiens soulignent leur suspicion sur le rôle de ces corps dans le développement des épidémies, nombreuses et virulentes dans le port et la ville.

L’embellissement de la «cathédrale des sables»
Devant le nombre grandissant de personnes incommodées, la décision fut prise de stopper définitivement les inhumations dès 1775 mais quelques privilégiés réussirent malgré tout à se faire enterrer jusqu’en décembre 1776. Cela en contradiction avec l'Arrêt du Conseil d’état du Roi du 10 mars 1776... Il faut se résoudre à aménager un nouveau cimetière. A Dunkerque, établi sur un ancien terrain militaire en basse-ville, loin du centre de la paroisse, quasiment en campagne, il est bénit le 29 septembre 1779.
Les travaux de 1783-1784 furent d’ailleurs le prétexte pour procéder à des exhumations massives et d’opérer des transferts vers le nouveau champ de repos. C’est à l’occasion des travaux d’agrandissement et d’embellissement de Saint-Eloi que les magistrats de la ville sont placés devant l’obligation de trouver une solution pour les sépultures mises au jour lors de la campagne de travaux de 1783. A cette occasion, le creusement des fondations du nouveau péristyle - de style gallo-romain - met à jour plus de 1.600 cadavres, pour la seule entrée du bâtiment... Alors à quoi s’attendre sous le chœur?

L’intervention royale
«La déclaration du Roi, concernant les inhumations, donnée à Versailles le 10 mars 1776, registrée au Conseil Provincial d’Artois le 8 novembre 1776» fixe une réglementation définitive pour les inhumations. Louis XVI, et au travers lui, l’Etat se préoccupe d’un réel problème de santé publique en légiférant qui relève tout autant de la sphère privée. Cela pourtant ne se limite pas à Dunkerque. En effet, les ecclésiastiques rassemblés l’année précédente à Paris ont fait état d’un problème récurrent car, depuis plusieurs années, «des plaintes touchant les inconvénients des inhumations dans les églises, et même par rapport à la situation actuelle de la plupart des Cimetières, qui, trop voisins des églises, seroient placés plus avantageusement s’ils étoient plus éloignés desdites Eglises, bourgs ou villages des différentes Provinces» du royaume.

La situation est assez grave pour que le pouvoir central relaye les initiatives des magistrats locaux comme celui de Dunkerque par «une Loi capable de concilier avec la salubrité de l’air, et ce que les règles ecclésiastiques peuvent permettre les droits qui appartiennent aux Archevêques, Evêques, Curés, Patrons, Fondateurs et autres dans les différentes églises» du royaume... Il est vrai que la perception des droits d'inhumation est et reste une source de revenus appréciable. L’Eglise doit bien se garder de ne pas se couper de cette manne. Les huit articles de la déclaration royale fixent alors les conditions, il est vrai draconiennes.
L’article premier interdit à toute personne - à l'exception des Archevêques, Evêques, curés, Patrons des Eglises et Hauts-Justiciers et Fondateurs des chapelles - d’être enterré dans quelque lieu de culte que ce soit, publique ou privé, et «généralement dans tous les lieux clos et fermés, où les fidèles se réunissent pour la prière et célébration des Saints Mystères, et ce pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit».
L’église perd le statut de «nécropole» pour devenir une sépulture privée. Néanmoins, l’exception du premier article est modérée dans le suivant : les prêtres peuvent être enterrés dans leur propre paroisse, l’Evêque dans sa cathédrale. Une inhumation dans une autre paroisse ou cathédrale leur est interdite. Le principe sanitaire est aussi invoqué pour «normaliser» la sépulture: des caveaux pavés de grandes pierres au fond et sur les côtés, d’au moins 72 pieds carrés à l’intérieur, et à une profondeur minimale de six pieds sous terre... Les articles suivant codifient les cas de figures susceptibles d’être rencontrés dans les cures et conseils de fabrique.

Des règles voulues strictes et rigides
Ainsi, la loi défend de céder à un tiers le droit d’être enterré en lieu et place du possesseur du caveau. Les descendants et familles des fondateurs des chapelles et églises déjà créées peuvent néanmoins y avoir une tombe à la seule condition d’augmenter le nombre de caveaux de même proportion... La limite est fixée par la place restante puisque la sépulture est individuelle. Autant dire que le droit de sépulture est appelé à s’éteindre rapidement toute comme la pratique d’inhumation collective.

La question des donations et fondations monastiques est abordée par la même occasion. Sous condition de creuser un caveau aux normes fixées précédemment, il sera possible d’être inhumé dans les cloîtres et chapelles, à condition que ceux-ci ne soient pas fermés et clos et d’en avoir le droit par titre légitime, comme la succession des fondateurs.

L’art mortuaire ne tarde pas à connaître un essor considérable puisque l’on enterre désormais dans des cimetières. Ceci est d’autant plus important que les personnes autorisées à être inhumées dans les églises peuvent aussi reposer dans les cimetières où ils pourront «choisir dans les cimetières desdites paroisses un lieu séparé pour leur sépulture, même faire couvrir ledit terrain, y construire une caveau ou Monument, pourvu néanmoins que le terrain ne soit pas clos et fermé». Cette «libéralité» n’est cependant accordée encore une fois qu’à ceux qui ont un droit légitime. Le roi incite néanmoins à rester raisonnable dans la construction des mausolées puisqu’il doit rester «dans lesdits cimetières le terrain nécessaire pour la sépulture des fidèles». Le cimetière est un espace public.

Les ordres religieux n’échappent pas à la règle... Plus aucun ordre, en définitive, n’est indépendant du pouvoir temporel puisque «les religieux et religieuses, exempts ou non exempts, même les Chevaliers et Religieux de l’ordre de Malte, seront tenus de choisir dans leurs cloîtres ou dans telle autre partie de l’enceinte de leurs monastères ou maisons, un lieu convenable, autre que leurs églises, distinct et séparé pour leur sépulture, à la charge toutefois d’y faire construire les caveaux ci-dessus mentionnées et proportionnés au nombre de ceux qui doivent y être enterrés». Le privilège d’immunité, gage d'indépendance est mis à mal et tombe en définitive en désuétude puisque les autorités séculières doivent veiller, sur information du clergé régulier, du respect des dispositions légales.

La loi prévoit que les cimetières qui se révèlent vite trop exigus pour les fidèles seront agrandis. Quant à ceux qui existent dans le clos de murailles des villes qui «pourroient nuire à la salubrité de l’air» seront déplacés «autant que les circonstances le permettront hors de ladite enceinte» en accord avec les règles religieuses... A charge aux officiers municipaux et aux habitants de tout mettre en œuvre pour que les principes dictés soient scrupuleusement respectés. Avec ce que l’on pourrait anachroniquement qualifier de «principe de précaution» s’opère à nouveau la nette séparation entre le monde des vivants et celui des morts. La promiscuité dans les villes, notamment les plus anciennes où n’existe pas d’assainissement, où les rues sont étroites et où, comme dans de nombreuses villes du Nord, les cours d’eau abondent peut être propices à la propagation des maladies, notamment lors des épisodes épidémiques... Plus cyniquement, faut-il penser que la place libérée près des églises, lieux de passage obligés, devient intéressant pour qui veut faire commerce?

La volonté royale offre malgré tout une certaine autonomie aux villes et communautés puisque le droit d'acquérir les terrains nécessaires à la création des cimetières leur est accordé, en dérogation de la tutelle instaurée par l’édit d’août 1749. La question est d’ailleurs assez importante pour que les droits d’indemnité ou d’amortissements soient remis à la condition expresse que les terrains ne servent que de nécropoles. Il est donc hors de question de voir, comme ce fut parfois le cas, des habitations ou des commerces dans les clos de sépultures. Roi centralisateur, Louis XVI se réserve le droit de pourvoir les cimetières de Paris, ville royale qu’il faut contenter pour garantir le calme politique.

La translation des corps
Comme à Dunkerque, de nombreuses villes opèrent le transfert des sépultures vers de nouveaux cimetières. Lille ne fait pas exception, Louis Quarré-Reybourbon en dresse le tableau dans son article de 1887 sur la «Translation des cimetières de Lille en 1779. Si les notables étaient enterrés dans l’église, dans le chœur ou les nefs, le commun recevait une sépulture sur le pourtour de l’édifice mais avec l’essor démographique, cette «cohabitation» finissait par générer de sérieux problèmes sanitaires. Pour cette raison, le terrain du faubourg de Saint-Maurice, qui servait déjà à enterrer les morts de l'Hôpital Militaire, devait connaître une forte extension dès 1774. L’on tenta, dans un premier temps, d’y reproduire les inégalités de mise dans les édifices religieux. La situation ne satisfaisant personne, il fut finalement décidé de former de nouveaux projets. L’on projeta l’ouverture de deux cimetières, l’un au Faubourg Saint-André, l’autre au Faubourg des Malades (Porte de Paris et place Lebas) mais la configuration du terrain en interdirent la réalisation. En effet, le souci d’éviter gênes et contagions éventuelles porta le choix définitif sur l’Est de la ville, au delà de la Porte de Roubaix car le vent dominant à Lille vient de l’Ouest... De fait, peu ou pas d’odeurs ou de miasmes ne reviendraient en ville, portés par les courants d’air.

Après de nombreux conflits, le fonctionnement de l'enclos mortuaire fut confié aux marguilliers des églises de la ville. Le choix de l’emplacement des sépultures reproduit les distinctions entre les différentes personnes. Cimetière commun aux paroisses lilloises, les «droits de fosse», équivalents de nos concessions, sont établis en fonction de la paroisse et du type de funérailles. Tout ceci conduit à une gestion très administrative afin de ne mélanger ni les corps ni les paroisses. D’ailleurs, les routes empruntées par les convois funéraires sont établies pour chaque paroisse, personne ne pouvant s’écarter de la route définie.
Le cimetière extra-muros de l’Est n’est malheureusement pas assez éloigné des zones inondables et la gestion commune des paroisses lilloises participant au désordre par «querelle de clochers», l’entretien finit par faire défaut. Rapidement, il se paupérisa. A cause de sa mauvaise presse, les notables préféraient avoir leur sépulture dans les paroisses de Wazemmes ou d’Esquermes, et ce n’est que vers la moitié du XIXe siècle que le cimetière de l’Est fut l’objet de nouvelles attentions, notamment avec l’érection de monuments importants et la création d’une voirie pour s’y promener, suivant en cela l’exemple de cimetières parisiens.

Avec les agrandissements successifs de Lille sous le Second Empire, il devint impératif de réitérer l’opération au Sud de la Ville pour subvenir aux besoins des nouveaux quartiers fraîchement annexés.
Il faut malgré tout rappeler que cette politique ne vaut que pour les grandes villes, les villages ayant une autre conception de la relation avec les défunts et aussi, il est vrai, des moyens financiers moindres.

Des conséquences durables
Entre l’initiative locale relayée par le Roi et l'exécution des décrets, il se passe très peu de temps, preuve s’il en était de l’urgence de la situation. Cette rationalisation des pratiques entraîne des changements dont la portée n’est pas anecdotique. L’Eglise n’est pas indépendante. Ici, le temporel l’emporte sur le spirituel, à plus forte raison lorsque ce dernier est demandeur d’une loi qu’il ne saurait promulguer et encore moins faire appliquer.

Le paysage urbain change avec un espace urbain dédié aux activités humaines et où l’on opère une nette et stricte séparation entre lieu de vie et espace réservé aux morts. La vie quotidienne subit alors des transformations radicales. L’on ne vit plus dans les cimetières, en théorie et par définition tranquilles. Les lieux de sépulture ne sont plus destinés qu’au seul repos des défunts et il n’est dorénavant plus question, comme le signale Quarré-Reybourbon pour le cimetière Saint-Etienne, attenant à la Grand Place, de constater comme les commissaires-enquêteurs en 1779 «que les propriétaires des maisons voisines y ont planté des vignes et autres arbrisseaux, envoient leurs enfants y prendre leur ébats, et vont jusqu’à y mettre des cages à poulets»... D’ailleurs, pour éviter cela, les nouveaux cimetières sont clos.

Enfin, cette volonté de créer des nécropoles hors des villes préfigure déjà les travaux des urbanistes du siècle suivant où il fallait «aérer» les villes, créer des artères où le vent pourrait s’engager pour «nettoyer» un air vicié et corrompu. Les villes industrielles et rationnelles du XIXe siècle et de la Révolution industrielle, aux espaces tracés au cordeau sont déjà en germe dans cette nouvelle réorganisation de l’espace urbain.

Ces vieilles pierres de Flandre Gallicane

La région lilloise est riche d’une histoire souvent méconnue. Pour le passant, il est souvent difficile d’imaginer que tel lieu fut un centre stratégique important, que telle ferme fut une seigneurie puissante.

Le premier château de Lille
A Lille même se dressait une importante motte castrale, une butte de terre surmontée d’une tour ou d’un château qui devait défendre la ville naissante. La cathédrale occupe aujourd’hui sa place. Cette motte, haute de 12 à 15 mètres, survécu longtemps aux perfectionnements des enceintes de la ville. Reliant Haute et Basse Deûle, ses fossés alimentaient en eau des moulins.
Sans aucune utilité militaire depuis le XII° siècle, elle représentait le pouvoir du châtelain de la ville. Le symbole fut pourtant malmené. Elle porta longtemps quelques maisons louées par son possesseur puis fut transformée en dépotoir au XVI° siècle. Elle devint un jardin entre 1604 et 1835, puis on y construisit les bureaux de l’administration des douanes.
Bien qu’elle eut différents noms, elle est plus souvent connue sous celui de Motte-Madame. Il lui fut donné en l’honneur de Marie de Luxembourg, qui s’éteignit en août 1546 après avoir assumée seule les titre et charge de châtelaine de Lille durant ses 51 ans de veuvage.
Elle ne résista pas à la crise économique du milieu du XIX° siècle. Pour donner du travail aux ouvriers, les Ateliers Nationaux en décidèrent l’arasement, ne laissant subsister que ses douves. La dernière visible est parallèle à la rue des chats bossus. La place laissée fut assez importante pour que l’on décide quelques années plus tard d’y édifier une basilique de style néogothique, devenue Cathédrale en 1913.

Et ailleurs ?
La région lilloise ne manqua pas d’autres fortifications. Bien peu survécurent aux guerres, à l’urbanisation et aux remembrements. Que pouvait-on trouver? Des «châteaux-forts» comme à Armentières, Comines, Quesnoy-sur-Deûle, Lannoy, Roubaix, Tourcoing. Des mottes, comme à Lille, et des maisons fortes, demeures dotées de quelques moyens défensifs.

Un des châteaux de Flers
A Villeneuve d’Ascq subsiste encore le château de Flers. Maison forte, à l’architecture flamande typique, ses façades, toitures et douves furent inscrites à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1951. Erigé en 1621 par Henri de Haynin, il porta les noms de ferme des Espagnols, Château- rouge, ferme d’en Bas. Propriété du Comte de Diesbach à la fin du XVIII° siècle, il fut confisqué et pillé à la Révolution puis transformé en ferme. Après 1825, une partie des bâtiments fut détruite, ce qui ouvrit la cour à la vue de tous. Aujourd'hui, ses vénérables murs accueillent les services de tourisme de Villeneuve d'Ascq.

Une ferme des plus fortes
Il faut particulièrement admirer la tour-porche de la Grande ferme à Wannehain. L’entrée est protégée à sa gauche par une embrasure à feu et, à sa droite par une meurtrière. Elle s’était adaptée à l’évolution des guerres. Dans la cour, on trouve aussi une tour fortifiée et un pigeonnier, privilège noble. Une motte, plus ancienne se dresse derrière la basse-cour et en faisant le tour des bâtiments, on peut encore apercevoir les fossés.

Pour un dimanche en famille

Bondues se prête à de nombreuses balades. A proximité du Fort (musée de la Résistance), on trouve le Château de Bondues et la ferme de l’Hôtel. Le château est connu depuis 1407 mais on le qualifie déjà de ruine. Il n’a jamais été d’une grande importance pour ses seigneurs: du site original ne subsiste qu’une motte de taille respectable et les douves. La maison construite à son sommet est très récente car le dernier château a été incendié en 1944.

Un peu plus loin se dresse le Château du Vert-Bois. Mentionné en 1389, il est décrit en 1474 par Jean de Heule comme une ancienne motte enclose de fossés. Le Vert-Bois n’est plus un site fortifié important. En 1576, la propriété est vendue à Guillaume de Liot, échevin de Lille. Il passe par héritage dans la famille de Fourmestraux au début du XVII°siècle. L’existence du Vert-Bois prend alors un tour décisif: la construction du château actuel commence en 1663. Acheté par louis Duchochois en 1869, il passe ensuite à la famille de Monsieur et Madame Pruvost, qui y installent la fondation Septentrion. Belle demeure de style classique, le Vert-Bois étonne par la qualité de sa construction, la beauté de ses abords, son calme et la richesse de ses collections.

Une histoire mouvementée dans la paisible bourgade d'Ennevelin
Un petit détour par Ennevelin permet de découvrir la maison forte d’Aigremont. Propriété de la famille du même non, il est connu dès le XII° siècle puis il passe aux Gantraing. Au XV° siècle, il appartient à la famille de Thieulaine puis à la famille Van der Echoute au XVI° siècle. En 1648, Aigremont est acquis par la Famille Jacops qui restaure plusieurs fois les lieux. Ils y bâtirent même une chapelle. Le château fut reconstruit vers 1760. Mais en 1795, la ferme et ses biens furent vendus en bien national. Une vente bien triste puisque les Autrichiens avaient ruiné le château l’année précédente alors que les Français de Pont-à-Marcq l’occupaient. Les seigneurs de Landas et d’Harvillers s’en portèrent acquéreurs et ce n’est qu’en 1802 que la famille Jacops pût racheter son bien. De cette époque il reste les douves profondes qui l’entourent ainsi qu’une magnifique tour-porche. Bien conservée, elle a gardé les rainures du pont-levis.

Des Templiers mystérieusement absents
On trouve à Verlinghem, à la limite avec Lompret, une ferme que la tradition attribue à l’ordre du Temple: la Cense des Templiers, connue aussi sous le nom de Temple de Pérenchies. Le site classé aux Monuments Historiques en 1920 surprend par son allure. La porte attire tout de suite l'œil du passant. Construite en grès, la porte charretière en arc brisé est défendue par deux contreforts triangulaires surmontés de poivrières. Les bâtiments de briques qui l’encadrent semblent remonter au XVI°s, avec des remaniements plus tardifs. Les combats de 1914-1918 ravagèrent la ferme en épargnant la porte. Les Templiers occupèrent-ils les lieux? Rien n’est moins sûr. En revanche, elle appartenait en 1373 à l’Hôpital, plus connu sous le nom de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem (l’actuel Ordre de Malte), grand rival du Temple.

Un leurre bien réel
A Sars-et-Rosières, près de Saint-Amand, se dresse le Loire. La maison forte se compose d’un donjon bâti en briques et flanqué de 4 tourelles d’angles. Dans la basse-cour cernée de douves, on trouve aussi quelques bâtiments néogothiques. Cet ancien pavillon de chasse, inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1969, porte un nom sans équivoque: un loire est un leurre pour la chasse aux faucons. La seigneurie est mentionnée pour la première fois en 1268. Le château fut édifié par Louis, seigneur du Quesnoy, de la famille de Landas sur le plan de celui de Bourg-en Artois, vraisemblablement en 1406. Profita-t-il vraiment de son château puisqu’il trouva la mort en 1415 à Azincourt? Le Loire fut restauré au XIX° siècle mais un incendie le dévasta en 1920 et l’on ne put que consolider les murs.

Courrières, cent ans déjà