dimanche 31 décembre 2006

La géographie flamande...

Attention, les propos qui suivent sont envisagés dans une perspective historique et non géographique d’où des interrogations différentes...


Si l'on regarde une vue aérienne ou une reconstitution du relief on remarque tout d’abord que la Flandre, en France, n’est pas une vaste région mais les stéréotypes en font une vaste et morne plaine, relativement longue. Effectivement, en vol, il faut faire quelque effort pour discerner les reliefs comme le Mont-des-Cats (repérable à cause du relais T.V.) ou le Mont Cassel, à cause du Moulin.

A quoi rattacher la Flandre?
A la fois au nord du Bassin Parisien et à l’ouest de la plaine germano-polonaise, soit le nord de la France hercynienne où la circulation est aisée, avec peu de relief voire même aucun obstacle. La Flandre est donc dans un couloir de circulation ou d’invasion d’où des influences très nombreuses...

La nécessité de définir les termes:
Si elle est bordée au septentrion par le Mer du Nord (Mare Germanicum), les limites continentales sont plus vagues. La carte des altitudes permet des découpages simples:
- Flandre Maritime (zone des polders)
- Flandre Intérieure, jusqu’à la Lys
- Flandre Gallicane : de la Lys à la Scarpe.

Les limites géographiques sont faites de nuances subtiles et qui suscitent des questions...


Quelle réalité géographique revêt le terme de Flandre, surtout à l’ouest de la frontière franco-belge?

Comment s’organise cette région, sur le plan géographique?

Quelles sont les grandes phases géologiques qui ont modelé ce paysage?

Quels problèmes sont générés par cette évolution à moyen et long termes (actualité)?


I - UN ENSEMBLE HOMOGENE
A - DE QUOI PARLE-T-ON?

Sans entrer dans les détails historiques, on signalera que les limites de la Flandre ont été longtemps fluctuantes et que la Flandre originelle n’est au IX° siècle qu’une modeste bande côtière comprise entre l’Yser et Bruges. Le «pagus Flandrensis» n’est qu’une étroite marche de défense contre les Normands mais est devenue assez rapidement une entité politique assez puissante pour englober la puissante Artois.

Aujourd’hui, la Flandre est partagée entre la France et la Belgique, née en 1830, or la frontière existe depuis le Traité d’Utrecht en 1713, séparant le Westhoek de la Flandre orientale et dont la limite est difficilement visible sur le terrain par manque de repères linéaires tangibles d’où des confusions... Le nom est devenu de fait ambivalent car on lui fait désigner soit les deux provinces belges, la Flandre française et la Flandre zélandaise, soit il désigne la Flandre belge associée à la Flandre française. La confusion est d’autant plus forte que les frontières s’effacent dans le cadre européen. Par souci de clarté, nous ne nous concentrerons que sur le Westhoek français et - depuis assez peu - francophone...

Il faut donc dresser des constats généraux...

B - UN PAYS BAS ET PLAT

C’est le premier constat: selon la carte des altitudes, la planitude est presque parfaite à part quelques buttes qui ne sont que des accidents géologiques, ce ne sont pas des «bergen», des montagnes mais juste des aspérités, témoins des mouvements de faille.

Si le premier a été oublié (le Groenberg, à Bergues, avec moins de 50 mètres) et que certains excluient la colline de Watten, la liste qui suit - et qui se répartit du nord-est vers le sud-ouest, de part et d’autre de la frontière, démontre ce qui vient d’être évoqué: Mont Cassel : 179 mètres, Mont des Récollets: colline boisée de 141 mètres, suivent les collines de Eecke et de St-Sylvestre-Cappel puis le Mont des Cats, occupé durablement à partir de 1826 à cause de l’absence d’eau: 158 mètres. La chaîne se partage ensuite entre France et Belgique avec le Mont de Boeschepe (137 mètres), le Mont Kokereel (166 mètres), le Mont Noir (cher à Marguerite Yourcenar, 152 mètres), le Mont Vidaigne (135 mètres), le Mont Rouge (140 mètres) puis le Mont Kemmel, haut lieu de la mêlée des Flandres (156 mètres).
A chaque fois, leur masse se dégage par manque de point de comparaison. Si on compare à l’Artois voisin, nous sommes bien sur un terrain plat.

Où que l’on soit, le regard porte loin, d’ailleurs ne voit-on pas les terrils de Lens depuis le sommet du Mont des Cats?...

C - UN PAYS HUMIDE

Second constat: l’eau est omniprésente. Tout d’abord dans l’air puisque la Flandre jouit d’un climat très tempéré (le plus tempéré qui soit) avec un climat océanique pluvieux, plus en durée qu’en volume (quoique...) et des précipitations assez bien réparties tout au long de l’année, sans excessivité des températures...

Où va cette eau? Sous la surface, la Flandre maritime est recouverte de sables pissarts gorgés d’eau, une eau abondante mais insalubre, proche de la surface. Dans le reste de la Flandre, les aquifères l’emprisonnent dans l’argile mais les nappes sont surexploitées avec l’essor urbain et industriel. Néanmoins, l’accès est facile, pour preuve, l’habitat rural est dispersé.

Au niveau du sol, les rivières, les canaux, les watergangs et les fossés servent autant pour les transports que pour le drainage. Les lits sont paresseux et l’absence de pentes sont propices aux débordements et à la naissance de marais, quoique ceux-ci soient en voie de disparition... Entre la Lys et la Scarpe, le réseau hydrographique est chevelu, d’ailleurs, les «becques» (ruisseaux) ont servi de limites paroissiales puis communales dans la région lilloise... Blanchard, dans sa thèse du début du XX° siècle, fait état d’inondations à la fin du XIX° siècle qui ont obligé à endiguer certains canaux, attestant de la permanence du phénomène. L’Yser, en Flandre intérieure, est, par ses sorties de lit, un excellent indicateur du volume d’eau.


II - L’ORGANISATION GEOGRAPHIQUE DE LA FLANDRE EST-ELLE COHERENTE?

A - VIS-A-VIS DE SON ENVIRONNEMENT IMMEDIAT?

A l’ouest: une petite partie du Calaisis peut être considérée comme flamande car si l’Aa est une limite traditionnelle avec l’Artois, son cours a été longtemps fluctuant pour être aujourd’hui stabilisé. La plaine se déroule donc jusqu’aux hautes terres du Boulonnais. Au delà, les terres plus hautes, la nature des sols même, ne permettent plus de douter que l’on a changé de région naturelle. La distinction court d’ailleurs du nord au sud pour servir de limite politique et administrative entre Artois et Flandre, entre Pas-de-Calais et Nord ensuite...

A l’est: à part la frontière politique, la Flandre se déroule jusqu'aux confins des Pays-Bas, or la frontière établie en 1713 prend-t-elle en compte que la Flandre orientale est moins riche, plus sablonneuse? Y-a-t-il eu un parti-pris géographique lors de son tracé?

Au sud: Au niveau du Sol, la Scarpe est une frontière acceptable: Douai est bien flamande, d’ailleurs les fouilles archéologiques menées par Pierre Demolon le prouvent avec éclat. La vraie limite n’est pas scaldienne, elle consiste en une faille géologique, la faille du Midi, c’est-à-dire le Bassin houiller qui offre une rupture nette et brutale.

Nous sommes donc dans une région basse et plate aux limites floues... mais ce qui n’empêche pas l’existence de différences internes.

B - DES DIFFERENCES INTERNES

Les nuances sont subtiles, d’origine géographique et linguistique. Elles ont été reprises par l’administration, notamment par Louis XIV.

Au nord de la Lys: la Flandre flamingante parle le flamand et se décompose en deux: la Flandre maritime, parfaitement plate, le «Blootland» soumis aux transgressions marines, c’est une zone de polders drainée en permanence. En vol d’ailleurs, on y voir peu la limite entre la mer et la terre. En second vient la Flandre intérieure, le «Houtland», pays à bois, un peu plus bombé, un peu plus boisé, où les terres sont différentes car argileuses.

Au sud de la Lys jusqu’à la Scarpe: la Flandre Gallicane ou gallicante, parfois abusivement appelée Wallonne (voir le recollement des Manuscrits de M. GABET), laquelle est francophone depuis le Moyen-âge. C’est une région d’argiles et de craies

C - ET DANS LE DETAIL, LES «SOUS-REGIONS» PROPREMENT DITES?

La Flandre Maritime est une zone sédimentaire constituée de dépôts argilo-sableux nés des transgressions marines. Théoriquement, la côte est protégée par un cordon dunaire qui, il y a encore peu de temps, s’étirait jusqu’au Danemark, c’est un problème sur lequel nous reviendrons... Cette côte a subi plusieurs transgressions dont certaines n’ont peut-être été que de fortes marées.
Quoiqu’il en fut, ces marées ont recouvert l’ensemble de la région côtière.

Toute protection - artificielle ou naturelle - est plus que nécessaire, elle est vitale car la frange littorale est parfaitement plate avec, entre Dunkerque et Ypres, des dépressions sous le niveau de la mer: les «Moëres», plus basses de 2 à 3 mètres. De nouvelles transgressions provoqueraient des dégâts considérables et les efforts pour garder cette zone sèche et hors-d’eau sont permanents...

L’eau peut y régner à nouveau de manière incontestée. Strabon, dans sa Géographie avançait que les Ménapiens et les Morins s’abritaient derrières de forêts et des marais: «Les Ménapiens habitent de petites îles dans les marais. Ils avaient là, dans les pluies, des refuges assurés mais en temps sec, on les y prenait aisément...» . Assécher, pomper, drainer, c’est la région du gain sur le mer, qu’il s’agisse d’un retrait naturel renforcé par les hommes ou de la colonisation par les digues mais le gain y est assurément faible et fragile. la sécularisation des gains par les polders donne des qualités sensiblement différentes dans la richesse des terres. De fait, le «Blootland» est le vrai plat pays, un pays «nu», sans arbres, à la terre sableuse recouverte d’une petite croûte de tourbe, dévolue à la culture.

La Flandre Intérieure, se déroule vers le sud, à l’approche de Cassel. On entre dans le «Houtland», le pays à bois, aux terres lourdes, d’argile, avec des sables récents du quaternaire. La différence de végétation est notable, les arbres sont plus nombreux... La pente s’élève lentement. C’est ici que naît la chaîne des Monts de Flandre, qui ont eu une importance capitale dans chaque conflit (citons le Castellum Menapiorum, les six batailles de Cassel, la place stratégique qu’ont eu les Monts Cassel, des Cats et Kemmel durant la première guerre mondiale, ou encore la station radio allemande du Mont des Cats durant la seconde guerre mondiale). Les rares lignes de crête suscitent d’âpres combats, obligeant à mettre bas le patrimoine bâti dans de nombreuses communes. Arbres, argiles et pente légère, la Flandre intérieure est une région propice à l’agriculture et à l’installation des hommes, ce qui n’a pas été démenti depuis l’époque de Sanderus, depuis laquelle on déboise au profit de l’agriculture.

La Flandre gallicane: elle inclut le «pays de Lalleu», dont Laventie et Sailly-sur-la Lys. A la limite géographique se superpose ici la limité linguistique. Avant même la conquête française de 1667, elle occupait une place de choix dans les Pays-Bas Bourguignons.

Au XV° siècle, cette petite partie de Flandre s’étendait sur 1.450 km², soit 2 à 3 % des 17 provinces pour 2 à 3% de la population mais Lille était alors la troisième ville des Pays-Bas. Le sol argileux est marqué par l’humidité mais il faut encore procéder à de nouveaux découpages car la craie le dispute à l’argile. On trouve donc un bombement argileux dans le Mélantois et le Carembaut, entouré par les argiles des Weppes et du Ferrain, quartiers qui «continuent» la Flandre intérieure, puis le bombement argilo-sableux de Pévèle, plus propice au pacage. Un témoins l’affirme en 1698, c’est l’Intendant de Louis XIV Dugué de Bagnols qui distingue «la partie qui regarde l’Artois et qui comprend les quartiers de Carembaut, de Mélantois et de Pévèle au sol si sec et si marneux» de l’autre partie «qui regarde la Flandre, [les] quartiers de Ferrain et de Weppes, terrain si gras et si fertile». En l’an X, (1801-1802), le Conventionnel Camus constate qu’en «s’approchant de Douai, le paysage change de nature... Ce n’est plus cette culture flamande qui transforme les champs en jardins». On, change aussi ici de paysage, de région...

III - COMMENT S’EST FORMEE LA FLANDRE?

Il faut distinguer plusieurs grands moments dans l’évolution géologique afin de comprendre les problèmes actuels et à venir. Attention, avec la dérive des continents, la carte n’est pas celle d’aujourd’hui... Quelque soit le moment, l’eau est omniprésente dans la formation de la Flandre.

A - L’ERE PRIMAIRE (540-245 millions d’années avant JC)

La région est alors en bordure du bouclier baltique et se trouve alors profondément immergée d’où une importante épaisseur de sédiments. 480 millions d’années avant JC, la région qui se trouve entre le Brabant et le Boulonnais commence une lente émersion, subissant alors une érosion quasi complète, en même temps, une mer chaude - et peuplée - envahit ces terres. 180 millions d’années plus tard (300 millions d’années av JC) ,la poussée des massifs hercyniens chasse la mer vers le Nord et créé des marécages qui sont à l'origine des bassins houillers (voir la collection Gosselet à Lille, superbes témoins des vestiges du carbonifère).

B - L’ERE SECONDAIRE (245-65 Millions d’années avant JC)

245 millions d’années avant JC, la poussée des massifs hercyniens renouvelée et l’élévation des Ardennes disloque le socle. Le bassin houiller se trouve emprisonné dans la Faille du Midi marquant une limite entre basses et hautes terres. La Flandre est épargnée par les activités volcaniques car on n’y a pas encore trouvé de roches éruptives (pourtant visibles dans la région de Doullens), le destin flamand se place sous le signe de la sédimentation. Le mouvement est perpétuel: les cycles géologiques se renouvelant, les veines carbonifères sont nombreuses et profondes (parfois 2.000 mètres). Les forets carbonifères deviennent régulièrement des sortes de «mangroves» régulièrement inondées, recouvertes d’alluvions, emprisonnées puis ressuscitées. Cette longue période est marquée par l’influence des mers. C’est le moment où les sauriens géants dominent une terre sur laquelle alternent flux et reflux marins.

Au cours du Trias (245 à 200 millions d’années av JC), la mer passe au sud de la Flandre, la région est encore alors totalement émergée, puis au Jurassique (200 à 135 millions d’années av JC), la mer revient, recouvre la Flandre lentement jusqu’au Boulonnais et la Picardie, les sédiments se déposent pendant 45 millions d’années pour reculer encore jusqu’à la période du Crétacé. Durant le Crétacé (135 à 65 millions d’années), la mer revient une fois de plus en créant des conditions «favorables», avec une mer chaude et peu profonde. Or c’est à cette époque que l’Océan Atlantique naît de la séparation de l’Amérique et de l’Afrique. Le Bassin Parisien apparaît, ce qui renforce la sédimentation.

A l’aube du Tertiaire, le retrait complet de la mer est fait mais il n’est - une fois de plus - provisoire...

C - L’ERE TERTIAIRE (65 millions d’années à environ 2 millions d’années av JC)

Au moment de l’essor des mammifères, la région bascule avec le socle, le haut devenant le plus bas, accompagnant l’effondrement du Pas-de-Calais et permettant de nouvelles invasions marines durant lesquelles les sédiments comblent les zones basses et les cuvettes avec des argiles et notamment de la Clyte. Au sud, la pression exercée par le socle soulève l’Artois et le Mélantois, expliquant ainsi son bombement. Conséquence inévitable, les Weppes basculent. De nombreux rivages naissent sur un ligne Calais-Béthune-Lille qui est marquée par une accumulation de sables marins comblant les dépressions.

Depuis 35 millions d’années, la région est continentale, les derniers sédiments ne sont plus qu’alluviaux et continentaux. Seule la frange littorale reçoit encore des sédiments marins. Il est important de noter que la «douceur» du paysage est préservée par la faille du Midi, c’est elle qui absorbe les chocs de l’orogenèse pyrénéo-alpine.

Le mouvement entre transgressions et assèchements, entre immersions et émersions est un cycle perpétuel.

D - EVOLUTIONS DU QUATERNAIRE

Cette dernière période est marquée par les grandes glaciations. Avec le froid, le niveau de la mer baisse et le climat devient sibérien. Or à chaque réchauffement, la mer revient combler les zones basses. A cela s’ajoute l’effondrement de l’isthme calaisien et la montée des eaux à chaque réchauffement: la Flandre est définitivement séparées des îles britanniques, complètement isolées.

La Flandre subit de plein, fouet cette évolution radicale car avec la naissance de la Manche se créée une communication avec l’Atlantique, dont la circulation générale des courants se fait d’ouest en est. La Manche constituent un goulot d’étranglement dans lequel les courants se font plus forts, accélérant l’érosion du littoral.

Ajoutons à cela des vents d’ouest qui sont plus humides et l’on trouve une côte flamande sur laquelle les dépôts sableux sont importants. A chaque période interglaciaire, le climat évolue pour ressembler à celui des savanes et offre à la région des conditions favorables pour sa formation car de nouvelles tourbières naissent de la végétation recouverte par l’eau. Les dépôts sont donc marqués par les débris végétaux et organiques.


IV - ET AUJOURD’HUI?

A - LES PROBLEMES ACTUELS : L’EAU

L’eau est non seulement un acteur privilégié de la formation de la Flandre, elle est aussi un élément ordonnateur du paysage.

En Flandre maritime : les incursions marines, notamment depuis 9.000 ans, ont amené des dépôts impressionnants de sables gris-bleu. Sur la frange littorale, les sables sont qualifiés de pissarts, car ils sont gorgés d’eau, une eau peu profonde, à moins de 20 à 30 mètres de la surface, malheureusement, cette eau n’est pas potable. Ces sables sont coiffés d’une croûte tourbeuse qui dépasse rarement 2 mètres d’épaisseur, née des marais maritimes. Cette tourbe est le dernier vestige de la Ménapie conquise par César. Ce manque d’eau est aussi un problème de salubrité. Longtemps, il a fallu recourir aux citernes d’eau pluviales, même chez le particulier et ce n’est qu’au début du XX° siècle que l’on a pu faire venir l’eau du Pas-de-Calais voisin. Une eau insalubre et stagnante, les infections paludéennes et typhoïdiques furent légion sur la côte.


En Flandre intérieure et gallicane: les sols imperméables et l’absence de pente ont fait naître de nombreux marais, exploités dès le Moyen-âge et dont les droits d’exploitation ont été jalousement gardés. Ces marais pourtant disparaissent car depuis 10 siècles on est passé de 30% de la surface départementale à moins de 1%. La carte de Cassini est on ne peut plus claire à ce sujet. Les dénombrements fiscaux de la Chambre des Comptes de Lille, décrivant les fiefs, mentionnent pléthore de termes concernant l’eau : eau, fossés, marais... mais n’évoquent jamais de viviers car il n’y en a pas besoin.

Se pose quand même une question : ces fossés, ces «douves» servent ils à la défense ou au drainage?

Au deux dans un premier temps mais au drainage aujourd’hui. N'est-ce pas l’eau et les marais qui sauvèrent la Flandre de l’Ost Boueux de Bondues en 1314. La défense revêt certainement un aspect secondaire car les fossés sont conservés après la destruction des maisons fortes et sont même gardés quand les seigneurs flamands élèvent des demeures dans le style classique français, pourtant si exigeant dans le confort (voir Avelin et le Vert-Bois de Bondues...) D’ailleurs, encore aujourd’hui de nombreuses fermes les conservent, or de l'eau stagnante, ce n’est pas toujours des plus plaisants...

Les cours d’eau naissent dans les bassins artésiens et ne voient leur débit n’augmenter que par l’apport des affluents. L’eau reste surexploitée grâce au transport, au rouissage du lin (qui ne se fait plus beaucoup aujourd’hui), la papeterie et les industries. Néanmoins, l’eau est un élément important de l’économie flamande: ils ont été aménagés depuis le Moyen-âge: redressements ou déviations, liaisons, canalisations, endiguements. Les Flamands excellent dans la maîtrise hydraulique. Dans tous les cas, ces travaux doivent recueillir une attention particulière car ils ont une part importante à prendre dans le drainage des terres, surtout lorsque les populations s’implantent dans l'immédiate proximité de ces cours. Cette maîtrise se retrouve dans le travail d'assèchement. Celui-ci est très important dans la région littorale, or le quadrillage des watergangs a une nette tendance à disparaître avec l’urbanisation, alors que dans le même temps, les contestations quant au paiement des charges de leur entretien se multiplient.

A l’inverse du monde méditerranéen, on gère le surplus, la surabondance d’eau, une surabondance dont la gestion nécessite une coordination rigoureuse que la disparition de nombreux moyens d’évacuation avec le manque d’entretien et l’urbanisation risquent de devenir - à terme - la source de nombreux problèmes tant pour les populations que pour les pouvoirs publics. En effet, les villes plus grandes, plus nombreuses et la disparition des fossés défensifs comme des canaux intérieurs des villes réduisent les capacités d’absorption. Et pourtant l’eau est là et pourrait revenir: Vauban n’avait-il pas prévu d’inonder toute la campagne proche de Lille pour isoler la Citadelle en cas d’attaque? Que se passerait-il s’il pleuvait sans discontinuer plus d’un mois? En revanche, le problème s’inverse en cas de sécheresse puisqu’alors les argiles se rétracteraient, fragilisant les bâtiments et les infrastructures...


B - A MOYEN ET LONG TERMES : DES EVOLUTIONS INQUIETANTES

Depuis 9.000 ans, nous sommes dans une période interglaciaire, avec une tendance générale au réchauffement. En 4.000 ans, le niveau de la mer a monté de 130 mètres, recouvrant les zones basses. Les transgressions s’opèrent en douceur. La dernière connue, qui amena la mer jusque St-Omer (Sithiu) et Bergues, en faisant de ces villes des ports de mer, n’a laissé aucun témoignage de cataclysme... Les dépôts sont épais et la poldérisation naturelle se perpétue (comme sur la plage de Petit-Fort Philippe)... Cependant, si St-Momelin a fondé son oratoire en venant en barque, ses successeurs risquent de faire de même bientôt car le risque de transgression apparaît comme plus fort dans un contexte actuel local et international qui rassemble de nombreux facteurs déclenchants...

Si on garde à l’esprit que le niveau de la mer fluctue, les risques peuvent être évoqués si on considère

1. Une nette tendance à la rupture des équilibres par la hausse des eaux marines (on évoque mais sans perspective sur le long terme la fonte des pôle... mais depuis quand a-t-on des données fiables?) a laquelle s’allie une plus grande intensité des tempêtes.

2. Réchauffement de la planète (le rapport de l’ONU de novembre 2000 estime un gain de 1°c depuis 1860), du autant aux activités humaines qu’à des tendances naturelles .

3. Erosion du littoral entre Calais et la frontière belge à peine ralenti par les brises-lames. Le dégraissage de la côte a des incidences visibles comme l’effondrement de la batterie de Leffrinckoucke. Le transport du sable, plus loin, est préoccupant à cause de la disparition accélérée du cordon dunaire (de fait de l’homme).

4. Poldérisation et remplissage naturel des estuaires modifiant les courants.

5. Mouvement ou disparition des grands bancs de sable marins dont les répercussions comme les causes ne sont pas encore connues.

6. Anthropisation très (voire trop) forte du littoral (ports, jetées, digues) et bétonnage du littoral qui fait disparaître les protections naturelles. Le détournement local des courants comme des vents dévie les apports.

Dans le reste de la Flandre, l’extension du domaine bâti aux dépends des champs a modifié la circulation des eaux donc des apports sédimentaires comme de son évacuation. A cela s’ajoute la modification de certains cours d’eau, le déboisement, la disparition du «bocage» et le remembrement. Les problèmes en perspective peuvent être importants.


En défintive, l’évolution géographique est lente dans un cadre général qui est un pays bas , plat et humide, fortement parqué par l’eau sous toutes ses formes donnant des paysages variés et sujets, eux aussi, à de fortes évolutions, autant à cause de l’homme que de la nature.

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