dimanche 31 décembre 2006

'Le Secteur des Dunes'

de la revue 'Le Pays de France' No. 146, 2 aout 1917
par L. Dumont-Wilden



La Belgique et le front de l'Yser

Le secteur des dunes, qui semble sur le point de devenir un des plus importants du front occidental, avait été depuis la bataille de l'Yser, qui prit fin au commencement de novembre 1914, un des secteurs les plus calmes où il fut donné a de pauvres soldats de s'ennuyer en recevant des obus. Je l'ai visité, il y a quelques semaines. Des ruines de Nieuport, que tenait alors une division française, aux confins d'Ypres, j'ai parcouru les retranchements et les cantonnements de l'armée belge. Le rempart qui de Nieuport à Dixmude longe l'inondation avait l'air d'une paisible digue et il fallait s'en approcher de tout près pour distinguer les créneaux, les gabions, les bastions et les sentinelles qui en faisaient une infranchissable barrière contre le Boche; partout on était installé pour monter, tant qu'il le faudrait, cette garde héroïque et morne, où chaque jour de nombreux soldats trouvaient une mort obscure. Mais avec quelle impatience on attendait l'heure de l'offensive! Et comme on sentait que ce calme précédait la tempête!


Au surplus, s'il fut longtemps tranquille, ce secteur de l'Yser, qui prolonge le secteur des dunes, a toujours eu une importance capitale. Pour les Allemands, les positions de Nieuport sont la clé de Calais; pour nous, elles nous ouvriraient la route de Zeebrugge, le plus redoutable de tous les repaires de sous-marins. Tôt ou tard, l'incendie devait donc se rallumer dans ces parages et comme, par suite de la nature du pays, la guerre y revêt un caractère particulier, il importe de le connaître pour bien suivre les événements.


On a souvent décrit le pays de l'Yser: il n'en est pas de plus plat au monde. Avant la guerre, ces prairies infinies, parsemées de petites fermes blanches à toit rouge, ces champs bien cultivés ne manquaient pas de charme sous le ciel mouvementé de la Flandre maritime. Le travail de plusieurs siècles avait fait de cet ancien polder un immense et verdoyant potager et un incomparable pâturage. De longues routes droites, bordées de peupliers, sillonnaient le pays, conduisant vers ces petites villes paisibles comme des béguinages, qui ne s'animaient que les jours de marché: Dixmude, Furnes, Loo. A l'embouchure de l'Yser, le petit fleuve, naguère sans gloire, qui serpentait obscurément à travers la contrée, Nieuport et, à une époque plus reculée, sa métropole, Lombaertzyde (car cet humble village est plus ancien que Nieuport: le nouveau port) avaient été le regard du pays sur l'immensité des océans. La décadence était venue, il est vrai, le chenal s'était ensablé et, seules, d'humbles barques de pêche venaient s'amarrer au quai que jadis avaient fréquenté les galères d'Espagne et les vaisseaux dé Hollande. Mais Nieuport se souvenait sans amertume de sa gloire passée; son église trop grande abritait les tombes aux inscriptions pompeuses de ses gouverneurs espagnols; sa tour des Templiers, reste d'une commanderie datant du XIIIe siècle, son vieux phare de briques jaunes avaient vu passer Maurice de Nassau et l'archiduc Albert Turenne vainqueur et Condé vaincu, - car on s'est battu bien des fois autour de cette grande dune de Lombaertzyde, qu'on se dispute aujourd'hui. Mais ces souvenirs guerriers et glorieux étaient si lointains! Nieuport, avant la guerre, n'était plus célèbre que parmi les peintres, qui venaient y chercher les éléments d'un pittoresque mélancolique. En vérité, avant le tragique mois d'octobre 1914, ce pays de Flandre paraissait une terre privilégiée, définitivement garée des grands événements, la terre de la vie douce, paisible, abondante et unie.


Quelle différence aujourd'hui! L'inondation et les bombardements lui ont rendu, à peu de chose près, l'aspect désolé qu'elle devait avoir du temps de Strabon qui la décrit comme une sorte d'immense marécage parsemé d'îlots, et où l'eau de la mer se mêlait à l'eau des sources. Le travail poursuivi pendant plusieurs siècles par une race patiente et tenace a été anéanti, et la guerre moderne a refait ce pays aussi inclément, aussi difficile qu'il l'était au temps où sa population, clairsemée dans des espèces de villages lacustres, arrêtait les légions de César.


Alors, comme aujourd'hui (grâce à l'inondation), il n'y avait pour se rendre du Calaisis ou du Boulonnais vers l'intérieur du pays de Flandre que deux routes: celle qui borne le marais au sud vers Passchendaele et Roulers, et celle qui emprunte au nord la longue bande de terre protégée contre la mer par la chaîne des dunes, route très ancienne, comme l'indiquent les noms de lieux: Westende (l'extrémité ouest de la bande), Ostende (l'extrémité est), Middelkerke (l'église du milieu). C'est cette route du nord qui est la plus directe vers Zeebrugge. De là l'importance capitale du secteur des dunes.


Aucun ne fut plus âprement disputé. Dès que les Allemands eurent reconnu qu'il leur était impossible de franchir la barrière de l'Yser, où l'héroïsme de l'armée belge et des fusiliers marins les avait arrêtés en octobre 1914, ils travaillèrent fébrilement à se fortifier dans la partie qu'ils occupaient. Ce n'était pas aisé. Ce sol sablonneux est mouvant; une journée de vent suffit à déplacer des dunes entières, et il faut les planter d'oyats, sorte de chiendent maritime extrêmement résistant, pour leur donner quelque fixité. Pour y établir leurs tranchées, les Allemands ont dû y transporter, sur de petits chemins de fer établis à la hâte, des quantités de terre forte; pour leurs batteries, ils ont dû construire des abris bétonnés; et tout ce travail s'est fait sous le canon des monitors anglais, qui n'ont cessé de canonner la côte.


Mais ils n'ont regardé ni à la dépense en hommes ni à l'effort (ils n'ont d'ailleurs pas hésité à obliger les habitants du pays à travailler aux endroits les plus exposés) et ils ont fait de tout le secteur un formidable camp retranché abondamment pourvu d'artillerie de tout calibre. Ils y étaient déjà fortement établis, quand, le 23 octobre 1914, la division Grossetti, accourue au secours de l'armée belge, s'empara par une vigoureuse contre- offensive de plusieurs têtes de pont sur la rive droite de l'Yser et notamment du village de Lombaertzyde. Ce fut un des plus beaux faits d'armes de cette prodigieuse bataille de l'Yser, qui restera dans l'histoire militaire comme un des plus remarquables exemples de ténacité qu'ait donnés une armée.


Les Belges, qui depuis plusieurs jours combattaient un contre six, avaient été obligés, après des prodiges d'héroïsme, d'évacuer successivement Mannekensverre, Saint- Georges et Lombaertzyde, c'est-à-dire tous les postes avancés qui défendaient Nieuport sur la rive droite de l'Yser. Encore un effort, et les Allemands étaient maîtres des ruines de la malheureuse ville que leurs obus avaient incendiée et, ce qui eut été plus grave, des écluses qui allaient permettre de tendre l'inondation préservatrice. Aussi l'armée de secours, dès son arrivée, fut-elle portée sur ce point. A peine débarquée, elle reçoit le signal de l'offensive et, d'un magnifique élan, reprend sous un feu d'enfer, non seulement le village de Lombaertzyde, mais aussi tout le terrain qui s'étendu du village à la mer et notamment cette grande dune, aux défenses chaque jour puissamment accrues, dont il a été si souvent question dans les communiqués.


Devant cette vigoureuse attaque d'une troupe fraîche, l'Allemand, qui persuadé qu'il n'avait devant lui que la petite armée belge à bout de souffle croyait déjà tenir la victoire, recula étonné et dès lors, sentant que la partie était perdue pour la seconde fois, ne songea plus qu'à se fortifier sur les positions qu'il occupait. On sait qu'il ne les a plus quittées. Nulle part la guerre ne s'est cristallisée d'une façon plus rigide que sur ce point extrême du front. L'effort de l'ennemi s'est porté ensuite sur Verdun, où il a essuyé son troisième grand échec; notre offensive a eu pour théâtre la Champagne, puis la Somme et l'attention s'est peu à peu détournée de ce front flamand, où s'étaient fixés naguère les regards de l'univers entier. Le silence s'était fait autour des noms des villages de l'Yser. Mais voici qu'une rumeur se propage. La canonnade cesse d'être d'une « intensité habituelle », comme disaient les modestes communiqués belges, et tout nous dit que sur ce point de la ligne de feu nous sommes à la veille de grands événements.


Quand j'ai visité ce secteur, peu après la bataille de l'Yser, toutes les dunes qui s'étendent de Nieuport à la mer présentaient l'aspect le plus pittoresque et le plus imprévu: mêlés à des Belges à des fusiliers marins, à des zouaves, des goumiers marocains et des tirailleurs indigènes y cantonnaient y manœuvraient, et les jours de vent, quand là brise du large soulevait le sable des dunes, on eût pu se croire dans quelque lointaine Mauritanie. Cette végétation sèche des oyats, qui ressemble à l'alfa, ajoutait à l'illusion.


Parfois, sous un coup de soleil, un groupe de spahis abrités derrière une dune composait un Delacroix ou un Fromentin. Mais quelle désolation! Et comme par cet âpre et pluvieux hiver qui commençait on sentait l'exceptionnelle difficulté de la lutte dans ce pays où la nature, rendue à elle-même, semblait être devenue violemment hostile à tout ce qui est humain! Nieuport-Bains, la petite station balnéaire qui naguère étalait ses villas le long de la mer à trois kilomètres de la ville, n'était plus qu'un amas de décombres; devant nous coulait l'Yser, dont l'estuaire, large d'une trentaine de mètres à marée basse, devient assez important à marée haute pour former un sérieux obstacle entre la rive droite et la rive gauche, puis, par delà, c'étaient les sables de la grande dune et, un peu plus loin, dans les terres, les ruines de Lombaertzyde où se trouvaient nos tranchées.


Depuis ce temps, l'aspect des cantonnements a bien changé et lors de ma dernière visite on ne voyait plus rien de semblable; les brillants costumes des spahis ont disparu du front occidental et les « demoiselles au pompon rouge » ont reçu une autre affectation; mais la désolation, l'hostilité du paysage sont demeurées les mêmes et la garde est toujours aussi difficile et aussi meurtrière aux rives de l'Yser. Profitant de la relève qui venait d'être faite par les Anglais, qui ne connaissaient pas le terrain, les Boches ont quelque peu progressé ces jours derniers dans le secteur des dunes. Par un coup de surprise ils se sont emparés des postes et des tranchées situés sur la rive droite de l'Yser. Ce n'est qu'un avantage tout local et certainement éphémère, car nos alliés n'ont pas l'habitude de rester sur un échec, si léger soit-il; la garde du petit fleuve flamand n'a pas été compromise un seul instant. Mais cette offensive, dont tout indique le caractère préventif, a trahi la crainte du kronprinz de Bavière de voir les alliés tenter une attaque de grand style vers Ostende et Zeebrugge. Il suffirait en effet d'une avance de quelques kilomètres le long de la route qui longe la mer pour rendre absolument intenable aux Allemands ce véritable repaire de pirates d'où partent la plupart de leurs sous-marins. Zeebrugge pris ou détruit c'est le fiasco définitif, incontestable de la guerre sous-marine; c'est le coup le plus grave que nous puissions porter à ces masses germaniques qui, dans leur détresse, se sont raccrochées à cet unique espoir: affame l'Angleterre en lui coulant tous ses navires.

L. Dumont-Wilden

Nostalgique moment...

Au moment de changer d'année, un petit moment de nostalgie avec des clichés pris avant 1896, histoire de voir que le temps ne passe pas partout de la même façon...


Voûtes à liernes et tiercerons accueillent le visiteur de l'Hospice Comtesse de Lille. Hormis les grilles, bien peu de changement plus de cent ans après...


Le Zylof en 1892...



... et en 1971...

Près d'un siècle entre les deux clichés. A vous de jouer à chercher les différences de cette belle demeure par trop ignorée

La vieille église Saint-Sauveur, qui ressemble tant à sa soeur Sainte-Catherine, n'est plus celle que l'on voit ici. Celle-ci détruite par un incendie dans la nuit du 28 au 29 mars 1896, elle a été remplacée par une église de style romano-byzantin qui a reçu sa bénédiction en 1902... Quant à celle-ci, elle n'est plus qu'un souvenir qui s'estompe.


La tour de l'église Saint-Eloi d'Hazebrouck veillait sur la ville flamande. La Hallekerke, apparamment reconstruite après 1492, affiche deux grande chapelles latérales à pans coupés qui font office de transept... La flèche en pierre a été ajoutée en 1512 par le maître d'oeuvre Danel Stocke... Détruite en 1940, elle n'a été remplacée qu'en 1993-1994...


Surgie du temps, l'église d'Hondschoote est une miraculée épargnée par les guerres. Située sur la grand place, elle n'a pas vraiment changé depuis 1897. Elevée entre 1602 et 1620 en remplacement de celle qui brûla en 1582, l'église-halle a gardé la tour blanche (ou "Witte tor") de l'édifice d'origine. La haute flèche a été ajoutée en 1848 et le reste de l'église fut remanié assez fortement au XIXe siècle...


Même reconstruit quasiment à l'identique après la Grande Guerre, il est difficile de ne pas éprouver de nostalgie en regardant le vieux beffroi de Comines tel qu'il dominait les rues de la ville avant le déluge de feu...


Sous le carillon du beffroi, la vieille ville de Bergues grimpait lentement jusqu'au sommet du Groënberg.


Tel qu'il se dressait avant d'être détruit par les Allemands lors de la dernière occupation, le beffroi de Bergues affichait un festival de formes par le jeu de ses briques de sable ocres...

Quand la cathédrale de Lille n'était même pas un projet

Quand on connaît Lille, on sait qu'avant 1848 se dressait dans le Vieux-Lille la Motte-Madame à l'emplacement de l'actuelle cathédrale, siège épiscopal depuis 1913... Arasée en 1848 par les Ateliers Nationaux, elle n'est plus visible que sur le plan-relief conservé au Musée des Beaux Arts... Le meilleur résumé sur son histoire reste encore le rapport établi par Bovet (ADN / B 19803 n° 1103)


Département du Nord
3° division
N°1103 agenda


Renvoyé à l’archiviste du département pour qu’il fasse des copies par extraits
des dénombrements et comptes indiqués dans l’avis ci-contre, le tout sur papier libre
Lille, le 2eme juillet 1810
le Général Préfet
signé Pommereceul
reçu le 23 juillet


Administration de l’enregistrement et des Domaines
Lille, le 22 juin 1810

Le directeur de l’enregistrement et des domaines
à Monsieur le Général de division, Baron de l’Empire,
Préfet du Département du Nord

Général Préfet,

La pétition du sieur Demilly et autres, que vous m’avez communiquée le 13 de ce mois, a pour effet de déterminer la compétence dans la question à décider, et d’établir que les objets litigieux sont la propriété des reclamans. Ce dernier point rend les pétionnaires fondés sur le premier puisqu’il s’agit d’une contestation de propriété, qui doit être portée devant les tribunaux et soutenue par vous, d’après les lois des 15 9bre et 19 décembre 1790, 27 mars, 12 7bre et 9 8bre 1791 et 19 nivôse an 4.

Il ne reste donc qu’à examiner jusqu’à quel point peut être fondée la préténtion de propriété.
On ne donne pour l’appuyer d’autres moyens que l’impossibilité où l’on croit l’adminsitration de produire les siens, cependant il est certain que les opposans ne peuvent être propriétaires des maisons dont s’agit. En voici la cause.

Ces maisons procèdent ordinairement du fief de la cour et halle de Phalempin, relevant du souverain en sa qualité de châtelain de Lille; elles faisaient partie de ce fief. ce fait est prouvé par le dénombrement fait en 1511 à Philippes, archiduc d’Autriche, par Marie de Luxembourg, châtelaine de Lille, veuve de françois de Bourbon, comte de Vendôme. Dans ce dénombrement, il est déclaré appartenir audit fief sept maisons ou plaches depuis la porte d’entrée et les prisons dites de Vendôme y attenantes, le long de la rue Saint-Pierre, louées à divers.
Cette pièce repose aux Archives du Département du Nord sous la lettre D N°375.

Au dénombrement de 1620 à 1623, même déclaration, il repose aux archives sous la lettre L N°131.

Au compte dudit fief de la châtellenie de Lille, cour et halle de Phalempin, pour les années 1634 et 1635, il est fait mention du paiement des arrentemens de ces sept maisons et des prisons. ce compte est aux archives du département sous la lettre P N°8.K

Au compte de 1657, rendu par Simon de Rosendal, de la recette des revenus et Biens appartenant au Roi de France en la ville de Lille, à cause de sa cour et halle de Phalempin et confisquée à cause de la guerre, il est encore fait recette des arrentemens desdites sept maisons et des prisons y attenantes: ces dernières sont annoncées avoir été brulées pendant la guerre; et il résulte de ce compte que lesdites maisons et prisons avaient été précedemment arrentées pour dix ans, expirés en 1648, à la Noël, qu’à cette époque, les arrentemens ont été renouvellés pour 59 ans et adjugés à divers, aux prix et conditions désignés avec les noms des adjudicataires, audit compte f°21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29 et 30; la maison de la Motte-Madame et les jardins ont été loués en même temps à divers, ce compte est aux archives, sous la letrre L n°604.

Il est bon d’observer que Henri IV avait réuni au Domaine de la Couronne la châtellenie de Lille, cour et halle de Phalempin, qui était son patrimoine personnel par l’édit du mois de juillet 1607.
Il est clairement démontré par ces titres que l’emplacement actuel de la Monnaie, du cirque, ainsi que la Maison de Mr. Louis, negt au lieu des Dominicains, était autrefois le siège de la cour et halle de Phalempin et de la maison du châtelain, dite la Motte-Madame, ainsi désignée à cause de la longue possession de Marie de Luxembourg, pendant 52 années de veuvage. L’identité des lieux ne pas être plus contestée que leur Domanialité.

Il est également prouvé que les sept maisons ont été données à diverses époques en arrentemens terminatifs, dont le dernier est expiré à la Noël 1707.

C’est ici que finit la filiation qu’on a suivie jusqu’en 1707. Peut-être à cette époque les arrentemens ont-ils été renouvellés et sont-ils expirés dans les orages de la révolution, c’est ce qui pourroit être présumé, peut-être aussi la jouissance s’est-elle continuée par tacite reconduction: cette dernière supposition s’induirait du défaut de titre après celui indiqué sous la lettre L n°604, et des paiemens faits jusqu’en 1707. Dans l’un comme dans l’autre cas, la prétention des reclamans serait dénuée de mérite, et il demeurerait certain qu’ils ne sont qu’arrentataires.

Il est une troisième supposition: les Domaines de la couronne étaient inaliénables, comme la propriété en était imprescriptible, s’il existait un autre titre postérieur en faveur des pétitionnaires, ce titre ne pourrait être qu’un engagement de Domaine, susceptible de l’application de la loi du 24 ventôse an 7, aux dispositions de laquelle les reclamans n’ont pas satisfait.

Dans cet état, je pense, général préfet, qu’il convient de vous faire délivrer copie des lettres ci-dessus énoncées, pour appuyer votre mémoire, et de faire signifier le dernier, comme ayant été maintenu par la reconduction tacite. Par ce moyen, ou les opposans produirons un acte plus récent, ou ils n’en produiront pas; dans le premier cas, la conduite du Domaine dépendrait des circonstances mises au jour, dans le second, les réclamans seraient forcés de reconnaitre la validité des droits du Domaine.

Tels sont, Général Préfet, les renseignemens su’il est en mon pouvoir de vous donner. Si par la suite, sous sentez le besoin d’être instruit sur d’autres points, je m’empresserai de vous fournir sur votre demande, tous les documens qui dependront de moi.
Au surplus, les reclamans se sauroient opposer aucune precription, ni l’axiome je possède par ce que je possède, attendu qu’on ne prescrit jamais contre un titre vicieux.
Je joins ici la pétition de ces particuliers.

J’ai l’honneur de vous saluer avec respect.

signé Bovet

deux résumés de conférences

Ci après deux résumés de conférences que j'avais donné au Centre culturel Vauban en 2000, pour répondre aux questions de certains sur les causes des paysages qu'ils peuvent voir sur les photos d'Histoires du Nord...

Amitiés
François HANSCOTTE

La géographie flamande...

Attention, les propos qui suivent sont envisagés dans une perspective historique et non géographique d’où des interrogations différentes...


Si l'on regarde une vue aérienne ou une reconstitution du relief on remarque tout d’abord que la Flandre, en France, n’est pas une vaste région mais les stéréotypes en font une vaste et morne plaine, relativement longue. Effectivement, en vol, il faut faire quelque effort pour discerner les reliefs comme le Mont-des-Cats (repérable à cause du relais T.V.) ou le Mont Cassel, à cause du Moulin.

A quoi rattacher la Flandre?
A la fois au nord du Bassin Parisien et à l’ouest de la plaine germano-polonaise, soit le nord de la France hercynienne où la circulation est aisée, avec peu de relief voire même aucun obstacle. La Flandre est donc dans un couloir de circulation ou d’invasion d’où des influences très nombreuses...

La nécessité de définir les termes:
Si elle est bordée au septentrion par le Mer du Nord (Mare Germanicum), les limites continentales sont plus vagues. La carte des altitudes permet des découpages simples:
- Flandre Maritime (zone des polders)
- Flandre Intérieure, jusqu’à la Lys
- Flandre Gallicane : de la Lys à la Scarpe.

Les limites géographiques sont faites de nuances subtiles et qui suscitent des questions...


Quelle réalité géographique revêt le terme de Flandre, surtout à l’ouest de la frontière franco-belge?

Comment s’organise cette région, sur le plan géographique?

Quelles sont les grandes phases géologiques qui ont modelé ce paysage?

Quels problèmes sont générés par cette évolution à moyen et long termes (actualité)?


I - UN ENSEMBLE HOMOGENE
A - DE QUOI PARLE-T-ON?

Sans entrer dans les détails historiques, on signalera que les limites de la Flandre ont été longtemps fluctuantes et que la Flandre originelle n’est au IX° siècle qu’une modeste bande côtière comprise entre l’Yser et Bruges. Le «pagus Flandrensis» n’est qu’une étroite marche de défense contre les Normands mais est devenue assez rapidement une entité politique assez puissante pour englober la puissante Artois.

Aujourd’hui, la Flandre est partagée entre la France et la Belgique, née en 1830, or la frontière existe depuis le Traité d’Utrecht en 1713, séparant le Westhoek de la Flandre orientale et dont la limite est difficilement visible sur le terrain par manque de repères linéaires tangibles d’où des confusions... Le nom est devenu de fait ambivalent car on lui fait désigner soit les deux provinces belges, la Flandre française et la Flandre zélandaise, soit il désigne la Flandre belge associée à la Flandre française. La confusion est d’autant plus forte que les frontières s’effacent dans le cadre européen. Par souci de clarté, nous ne nous concentrerons que sur le Westhoek français et - depuis assez peu - francophone...

Il faut donc dresser des constats généraux...

B - UN PAYS BAS ET PLAT

C’est le premier constat: selon la carte des altitudes, la planitude est presque parfaite à part quelques buttes qui ne sont que des accidents géologiques, ce ne sont pas des «bergen», des montagnes mais juste des aspérités, témoins des mouvements de faille.

Si le premier a été oublié (le Groenberg, à Bergues, avec moins de 50 mètres) et que certains excluient la colline de Watten, la liste qui suit - et qui se répartit du nord-est vers le sud-ouest, de part et d’autre de la frontière, démontre ce qui vient d’être évoqué: Mont Cassel : 179 mètres, Mont des Récollets: colline boisée de 141 mètres, suivent les collines de Eecke et de St-Sylvestre-Cappel puis le Mont des Cats, occupé durablement à partir de 1826 à cause de l’absence d’eau: 158 mètres. La chaîne se partage ensuite entre France et Belgique avec le Mont de Boeschepe (137 mètres), le Mont Kokereel (166 mètres), le Mont Noir (cher à Marguerite Yourcenar, 152 mètres), le Mont Vidaigne (135 mètres), le Mont Rouge (140 mètres) puis le Mont Kemmel, haut lieu de la mêlée des Flandres (156 mètres).
A chaque fois, leur masse se dégage par manque de point de comparaison. Si on compare à l’Artois voisin, nous sommes bien sur un terrain plat.

Où que l’on soit, le regard porte loin, d’ailleurs ne voit-on pas les terrils de Lens depuis le sommet du Mont des Cats?...

C - UN PAYS HUMIDE

Second constat: l’eau est omniprésente. Tout d’abord dans l’air puisque la Flandre jouit d’un climat très tempéré (le plus tempéré qui soit) avec un climat océanique pluvieux, plus en durée qu’en volume (quoique...) et des précipitations assez bien réparties tout au long de l’année, sans excessivité des températures...

Où va cette eau? Sous la surface, la Flandre maritime est recouverte de sables pissarts gorgés d’eau, une eau abondante mais insalubre, proche de la surface. Dans le reste de la Flandre, les aquifères l’emprisonnent dans l’argile mais les nappes sont surexploitées avec l’essor urbain et industriel. Néanmoins, l’accès est facile, pour preuve, l’habitat rural est dispersé.

Au niveau du sol, les rivières, les canaux, les watergangs et les fossés servent autant pour les transports que pour le drainage. Les lits sont paresseux et l’absence de pentes sont propices aux débordements et à la naissance de marais, quoique ceux-ci soient en voie de disparition... Entre la Lys et la Scarpe, le réseau hydrographique est chevelu, d’ailleurs, les «becques» (ruisseaux) ont servi de limites paroissiales puis communales dans la région lilloise... Blanchard, dans sa thèse du début du XX° siècle, fait état d’inondations à la fin du XIX° siècle qui ont obligé à endiguer certains canaux, attestant de la permanence du phénomène. L’Yser, en Flandre intérieure, est, par ses sorties de lit, un excellent indicateur du volume d’eau.


II - L’ORGANISATION GEOGRAPHIQUE DE LA FLANDRE EST-ELLE COHERENTE?

A - VIS-A-VIS DE SON ENVIRONNEMENT IMMEDIAT?

A l’ouest: une petite partie du Calaisis peut être considérée comme flamande car si l’Aa est une limite traditionnelle avec l’Artois, son cours a été longtemps fluctuant pour être aujourd’hui stabilisé. La plaine se déroule donc jusqu’aux hautes terres du Boulonnais. Au delà, les terres plus hautes, la nature des sols même, ne permettent plus de douter que l’on a changé de région naturelle. La distinction court d’ailleurs du nord au sud pour servir de limite politique et administrative entre Artois et Flandre, entre Pas-de-Calais et Nord ensuite...

A l’est: à part la frontière politique, la Flandre se déroule jusqu'aux confins des Pays-Bas, or la frontière établie en 1713 prend-t-elle en compte que la Flandre orientale est moins riche, plus sablonneuse? Y-a-t-il eu un parti-pris géographique lors de son tracé?

Au sud: Au niveau du Sol, la Scarpe est une frontière acceptable: Douai est bien flamande, d’ailleurs les fouilles archéologiques menées par Pierre Demolon le prouvent avec éclat. La vraie limite n’est pas scaldienne, elle consiste en une faille géologique, la faille du Midi, c’est-à-dire le Bassin houiller qui offre une rupture nette et brutale.

Nous sommes donc dans une région basse et plate aux limites floues... mais ce qui n’empêche pas l’existence de différences internes.

B - DES DIFFERENCES INTERNES

Les nuances sont subtiles, d’origine géographique et linguistique. Elles ont été reprises par l’administration, notamment par Louis XIV.

Au nord de la Lys: la Flandre flamingante parle le flamand et se décompose en deux: la Flandre maritime, parfaitement plate, le «Blootland» soumis aux transgressions marines, c’est une zone de polders drainée en permanence. En vol d’ailleurs, on y voir peu la limite entre la mer et la terre. En second vient la Flandre intérieure, le «Houtland», pays à bois, un peu plus bombé, un peu plus boisé, où les terres sont différentes car argileuses.

Au sud de la Lys jusqu’à la Scarpe: la Flandre Gallicane ou gallicante, parfois abusivement appelée Wallonne (voir le recollement des Manuscrits de M. GABET), laquelle est francophone depuis le Moyen-âge. C’est une région d’argiles et de craies

C - ET DANS LE DETAIL, LES «SOUS-REGIONS» PROPREMENT DITES?

La Flandre Maritime est une zone sédimentaire constituée de dépôts argilo-sableux nés des transgressions marines. Théoriquement, la côte est protégée par un cordon dunaire qui, il y a encore peu de temps, s’étirait jusqu’au Danemark, c’est un problème sur lequel nous reviendrons... Cette côte a subi plusieurs transgressions dont certaines n’ont peut-être été que de fortes marées.
Quoiqu’il en fut, ces marées ont recouvert l’ensemble de la région côtière.

Toute protection - artificielle ou naturelle - est plus que nécessaire, elle est vitale car la frange littorale est parfaitement plate avec, entre Dunkerque et Ypres, des dépressions sous le niveau de la mer: les «Moëres», plus basses de 2 à 3 mètres. De nouvelles transgressions provoqueraient des dégâts considérables et les efforts pour garder cette zone sèche et hors-d’eau sont permanents...

L’eau peut y régner à nouveau de manière incontestée. Strabon, dans sa Géographie avançait que les Ménapiens et les Morins s’abritaient derrières de forêts et des marais: «Les Ménapiens habitent de petites îles dans les marais. Ils avaient là, dans les pluies, des refuges assurés mais en temps sec, on les y prenait aisément...» . Assécher, pomper, drainer, c’est la région du gain sur le mer, qu’il s’agisse d’un retrait naturel renforcé par les hommes ou de la colonisation par les digues mais le gain y est assurément faible et fragile. la sécularisation des gains par les polders donne des qualités sensiblement différentes dans la richesse des terres. De fait, le «Blootland» est le vrai plat pays, un pays «nu», sans arbres, à la terre sableuse recouverte d’une petite croûte de tourbe, dévolue à la culture.

La Flandre Intérieure, se déroule vers le sud, à l’approche de Cassel. On entre dans le «Houtland», le pays à bois, aux terres lourdes, d’argile, avec des sables récents du quaternaire. La différence de végétation est notable, les arbres sont plus nombreux... La pente s’élève lentement. C’est ici que naît la chaîne des Monts de Flandre, qui ont eu une importance capitale dans chaque conflit (citons le Castellum Menapiorum, les six batailles de Cassel, la place stratégique qu’ont eu les Monts Cassel, des Cats et Kemmel durant la première guerre mondiale, ou encore la station radio allemande du Mont des Cats durant la seconde guerre mondiale). Les rares lignes de crête suscitent d’âpres combats, obligeant à mettre bas le patrimoine bâti dans de nombreuses communes. Arbres, argiles et pente légère, la Flandre intérieure est une région propice à l’agriculture et à l’installation des hommes, ce qui n’a pas été démenti depuis l’époque de Sanderus, depuis laquelle on déboise au profit de l’agriculture.

La Flandre gallicane: elle inclut le «pays de Lalleu», dont Laventie et Sailly-sur-la Lys. A la limite géographique se superpose ici la limité linguistique. Avant même la conquête française de 1667, elle occupait une place de choix dans les Pays-Bas Bourguignons.

Au XV° siècle, cette petite partie de Flandre s’étendait sur 1.450 km², soit 2 à 3 % des 17 provinces pour 2 à 3% de la population mais Lille était alors la troisième ville des Pays-Bas. Le sol argileux est marqué par l’humidité mais il faut encore procéder à de nouveaux découpages car la craie le dispute à l’argile. On trouve donc un bombement argileux dans le Mélantois et le Carembaut, entouré par les argiles des Weppes et du Ferrain, quartiers qui «continuent» la Flandre intérieure, puis le bombement argilo-sableux de Pévèle, plus propice au pacage. Un témoins l’affirme en 1698, c’est l’Intendant de Louis XIV Dugué de Bagnols qui distingue «la partie qui regarde l’Artois et qui comprend les quartiers de Carembaut, de Mélantois et de Pévèle au sol si sec et si marneux» de l’autre partie «qui regarde la Flandre, [les] quartiers de Ferrain et de Weppes, terrain si gras et si fertile». En l’an X, (1801-1802), le Conventionnel Camus constate qu’en «s’approchant de Douai, le paysage change de nature... Ce n’est plus cette culture flamande qui transforme les champs en jardins». On, change aussi ici de paysage, de région...

III - COMMENT S’EST FORMEE LA FLANDRE?

Il faut distinguer plusieurs grands moments dans l’évolution géologique afin de comprendre les problèmes actuels et à venir. Attention, avec la dérive des continents, la carte n’est pas celle d’aujourd’hui... Quelque soit le moment, l’eau est omniprésente dans la formation de la Flandre.

A - L’ERE PRIMAIRE (540-245 millions d’années avant JC)

La région est alors en bordure du bouclier baltique et se trouve alors profondément immergée d’où une importante épaisseur de sédiments. 480 millions d’années avant JC, la région qui se trouve entre le Brabant et le Boulonnais commence une lente émersion, subissant alors une érosion quasi complète, en même temps, une mer chaude - et peuplée - envahit ces terres. 180 millions d’années plus tard (300 millions d’années av JC) ,la poussée des massifs hercyniens chasse la mer vers le Nord et créé des marécages qui sont à l'origine des bassins houillers (voir la collection Gosselet à Lille, superbes témoins des vestiges du carbonifère).

B - L’ERE SECONDAIRE (245-65 Millions d’années avant JC)

245 millions d’années avant JC, la poussée des massifs hercyniens renouvelée et l’élévation des Ardennes disloque le socle. Le bassin houiller se trouve emprisonné dans la Faille du Midi marquant une limite entre basses et hautes terres. La Flandre est épargnée par les activités volcaniques car on n’y a pas encore trouvé de roches éruptives (pourtant visibles dans la région de Doullens), le destin flamand se place sous le signe de la sédimentation. Le mouvement est perpétuel: les cycles géologiques se renouvelant, les veines carbonifères sont nombreuses et profondes (parfois 2.000 mètres). Les forets carbonifères deviennent régulièrement des sortes de «mangroves» régulièrement inondées, recouvertes d’alluvions, emprisonnées puis ressuscitées. Cette longue période est marquée par l’influence des mers. C’est le moment où les sauriens géants dominent une terre sur laquelle alternent flux et reflux marins.

Au cours du Trias (245 à 200 millions d’années av JC), la mer passe au sud de la Flandre, la région est encore alors totalement émergée, puis au Jurassique (200 à 135 millions d’années av JC), la mer revient, recouvre la Flandre lentement jusqu’au Boulonnais et la Picardie, les sédiments se déposent pendant 45 millions d’années pour reculer encore jusqu’à la période du Crétacé. Durant le Crétacé (135 à 65 millions d’années), la mer revient une fois de plus en créant des conditions «favorables», avec une mer chaude et peu profonde. Or c’est à cette époque que l’Océan Atlantique naît de la séparation de l’Amérique et de l’Afrique. Le Bassin Parisien apparaît, ce qui renforce la sédimentation.

A l’aube du Tertiaire, le retrait complet de la mer est fait mais il n’est - une fois de plus - provisoire...

C - L’ERE TERTIAIRE (65 millions d’années à environ 2 millions d’années av JC)

Au moment de l’essor des mammifères, la région bascule avec le socle, le haut devenant le plus bas, accompagnant l’effondrement du Pas-de-Calais et permettant de nouvelles invasions marines durant lesquelles les sédiments comblent les zones basses et les cuvettes avec des argiles et notamment de la Clyte. Au sud, la pression exercée par le socle soulève l’Artois et le Mélantois, expliquant ainsi son bombement. Conséquence inévitable, les Weppes basculent. De nombreux rivages naissent sur un ligne Calais-Béthune-Lille qui est marquée par une accumulation de sables marins comblant les dépressions.

Depuis 35 millions d’années, la région est continentale, les derniers sédiments ne sont plus qu’alluviaux et continentaux. Seule la frange littorale reçoit encore des sédiments marins. Il est important de noter que la «douceur» du paysage est préservée par la faille du Midi, c’est elle qui absorbe les chocs de l’orogenèse pyrénéo-alpine.

Le mouvement entre transgressions et assèchements, entre immersions et émersions est un cycle perpétuel.

D - EVOLUTIONS DU QUATERNAIRE

Cette dernière période est marquée par les grandes glaciations. Avec le froid, le niveau de la mer baisse et le climat devient sibérien. Or à chaque réchauffement, la mer revient combler les zones basses. A cela s’ajoute l’effondrement de l’isthme calaisien et la montée des eaux à chaque réchauffement: la Flandre est définitivement séparées des îles britanniques, complètement isolées.

La Flandre subit de plein, fouet cette évolution radicale car avec la naissance de la Manche se créée une communication avec l’Atlantique, dont la circulation générale des courants se fait d’ouest en est. La Manche constituent un goulot d’étranglement dans lequel les courants se font plus forts, accélérant l’érosion du littoral.

Ajoutons à cela des vents d’ouest qui sont plus humides et l’on trouve une côte flamande sur laquelle les dépôts sableux sont importants. A chaque période interglaciaire, le climat évolue pour ressembler à celui des savanes et offre à la région des conditions favorables pour sa formation car de nouvelles tourbières naissent de la végétation recouverte par l’eau. Les dépôts sont donc marqués par les débris végétaux et organiques.


IV - ET AUJOURD’HUI?

A - LES PROBLEMES ACTUELS : L’EAU

L’eau est non seulement un acteur privilégié de la formation de la Flandre, elle est aussi un élément ordonnateur du paysage.

En Flandre maritime : les incursions marines, notamment depuis 9.000 ans, ont amené des dépôts impressionnants de sables gris-bleu. Sur la frange littorale, les sables sont qualifiés de pissarts, car ils sont gorgés d’eau, une eau peu profonde, à moins de 20 à 30 mètres de la surface, malheureusement, cette eau n’est pas potable. Ces sables sont coiffés d’une croûte tourbeuse qui dépasse rarement 2 mètres d’épaisseur, née des marais maritimes. Cette tourbe est le dernier vestige de la Ménapie conquise par César. Ce manque d’eau est aussi un problème de salubrité. Longtemps, il a fallu recourir aux citernes d’eau pluviales, même chez le particulier et ce n’est qu’au début du XX° siècle que l’on a pu faire venir l’eau du Pas-de-Calais voisin. Une eau insalubre et stagnante, les infections paludéennes et typhoïdiques furent légion sur la côte.


En Flandre intérieure et gallicane: les sols imperméables et l’absence de pente ont fait naître de nombreux marais, exploités dès le Moyen-âge et dont les droits d’exploitation ont été jalousement gardés. Ces marais pourtant disparaissent car depuis 10 siècles on est passé de 30% de la surface départementale à moins de 1%. La carte de Cassini est on ne peut plus claire à ce sujet. Les dénombrements fiscaux de la Chambre des Comptes de Lille, décrivant les fiefs, mentionnent pléthore de termes concernant l’eau : eau, fossés, marais... mais n’évoquent jamais de viviers car il n’y en a pas besoin.

Se pose quand même une question : ces fossés, ces «douves» servent ils à la défense ou au drainage?

Au deux dans un premier temps mais au drainage aujourd’hui. N'est-ce pas l’eau et les marais qui sauvèrent la Flandre de l’Ost Boueux de Bondues en 1314. La défense revêt certainement un aspect secondaire car les fossés sont conservés après la destruction des maisons fortes et sont même gardés quand les seigneurs flamands élèvent des demeures dans le style classique français, pourtant si exigeant dans le confort (voir Avelin et le Vert-Bois de Bondues...) D’ailleurs, encore aujourd’hui de nombreuses fermes les conservent, or de l'eau stagnante, ce n’est pas toujours des plus plaisants...

Les cours d’eau naissent dans les bassins artésiens et ne voient leur débit n’augmenter que par l’apport des affluents. L’eau reste surexploitée grâce au transport, au rouissage du lin (qui ne se fait plus beaucoup aujourd’hui), la papeterie et les industries. Néanmoins, l’eau est un élément important de l’économie flamande: ils ont été aménagés depuis le Moyen-âge: redressements ou déviations, liaisons, canalisations, endiguements. Les Flamands excellent dans la maîtrise hydraulique. Dans tous les cas, ces travaux doivent recueillir une attention particulière car ils ont une part importante à prendre dans le drainage des terres, surtout lorsque les populations s’implantent dans l'immédiate proximité de ces cours. Cette maîtrise se retrouve dans le travail d'assèchement. Celui-ci est très important dans la région littorale, or le quadrillage des watergangs a une nette tendance à disparaître avec l’urbanisation, alors que dans le même temps, les contestations quant au paiement des charges de leur entretien se multiplient.

A l’inverse du monde méditerranéen, on gère le surplus, la surabondance d’eau, une surabondance dont la gestion nécessite une coordination rigoureuse que la disparition de nombreux moyens d’évacuation avec le manque d’entretien et l’urbanisation risquent de devenir - à terme - la source de nombreux problèmes tant pour les populations que pour les pouvoirs publics. En effet, les villes plus grandes, plus nombreuses et la disparition des fossés défensifs comme des canaux intérieurs des villes réduisent les capacités d’absorption. Et pourtant l’eau est là et pourrait revenir: Vauban n’avait-il pas prévu d’inonder toute la campagne proche de Lille pour isoler la Citadelle en cas d’attaque? Que se passerait-il s’il pleuvait sans discontinuer plus d’un mois? En revanche, le problème s’inverse en cas de sécheresse puisqu’alors les argiles se rétracteraient, fragilisant les bâtiments et les infrastructures...


B - A MOYEN ET LONG TERMES : DES EVOLUTIONS INQUIETANTES

Depuis 9.000 ans, nous sommes dans une période interglaciaire, avec une tendance générale au réchauffement. En 4.000 ans, le niveau de la mer a monté de 130 mètres, recouvrant les zones basses. Les transgressions s’opèrent en douceur. La dernière connue, qui amena la mer jusque St-Omer (Sithiu) et Bergues, en faisant de ces villes des ports de mer, n’a laissé aucun témoignage de cataclysme... Les dépôts sont épais et la poldérisation naturelle se perpétue (comme sur la plage de Petit-Fort Philippe)... Cependant, si St-Momelin a fondé son oratoire en venant en barque, ses successeurs risquent de faire de même bientôt car le risque de transgression apparaît comme plus fort dans un contexte actuel local et international qui rassemble de nombreux facteurs déclenchants...

Si on garde à l’esprit que le niveau de la mer fluctue, les risques peuvent être évoqués si on considère

1. Une nette tendance à la rupture des équilibres par la hausse des eaux marines (on évoque mais sans perspective sur le long terme la fonte des pôle... mais depuis quand a-t-on des données fiables?) a laquelle s’allie une plus grande intensité des tempêtes.

2. Réchauffement de la planète (le rapport de l’ONU de novembre 2000 estime un gain de 1°c depuis 1860), du autant aux activités humaines qu’à des tendances naturelles .

3. Erosion du littoral entre Calais et la frontière belge à peine ralenti par les brises-lames. Le dégraissage de la côte a des incidences visibles comme l’effondrement de la batterie de Leffrinckoucke. Le transport du sable, plus loin, est préoccupant à cause de la disparition accélérée du cordon dunaire (de fait de l’homme).

4. Poldérisation et remplissage naturel des estuaires modifiant les courants.

5. Mouvement ou disparition des grands bancs de sable marins dont les répercussions comme les causes ne sont pas encore connues.

6. Anthropisation très (voire trop) forte du littoral (ports, jetées, digues) et bétonnage du littoral qui fait disparaître les protections naturelles. Le détournement local des courants comme des vents dévie les apports.

Dans le reste de la Flandre, l’extension du domaine bâti aux dépends des champs a modifié la circulation des eaux donc des apports sédimentaires comme de son évacuation. A cela s’ajoute la modification de certains cours d’eau, le déboisement, la disparition du «bocage» et le remembrement. Les problèmes en perspective peuvent être importants.


En défintive, l’évolution géographique est lente dans un cadre général qui est un pays bas , plat et humide, fortement parqué par l’eau sous toutes ses formes donnant des paysages variés et sujets, eux aussi, à de fortes évolutions, autant à cause de l’homme que de la nature.

Paysages de Flandres...

LesPaysages flamands sont à la fois résultat du processus de formation géographique / géologique et fruit de l'activité des hommes depuis son installation. L'empreinte de l'homme est profonde sur une petite région au point de parler parfois de «stigmates».

Le constat est en simple: nous sommes au cœur de la «banane bleue» des géographes, c'est-à-dire l'axe industriel et urbain du XIX° siècle, les incidences ne peuvent qu'être nombreuses.


I - LA FLANDRE, UN ENVIRONNEMENT PROPICE AUX ACTIVITES HUMAINES

A - UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE

La flandre est un carrefour qui permet la communication avec les îles Britanniques puis le reste du monde. Si nous sommes le Nord de la France depuis 1662 (achat de Dunkerque) et 1667 (conquête de Lille, Douai et Orchies), nous avons surtout été le sud des Pays-Bas et des Provinces unies.
Nous sommes donc et restons une zone de frontière, point de passage obligé pour le commerce, zone d'échange (les foires de Flandre prolongent les foires de Champagne), région d'influences économiques et artistiques. Le pays est ouvert sur l'extérieur, par voie de mer, par voie continentale. Ne trouvait-on pas en effet des draps de Flandre vendus à Kiev? De plus, les autres produits n'en étaient pas moins réputés.

La Flandre est le prolongement du Bassin parisien et de la plaine germano-polonaise d'où l'absence remarquable d'obstacle. Le fait que la Flandre soit un ensemble sédimentaire a des incidences sur l'occupation et la mise en valeur de son territoire.

B - RAPPEL SUR LA GEOGRAPHIE DE LA FLANDRE

La Flandre est un pays bas et plat . Si on se réfère à la carte des altitudes, on la définit comme telle au regard de l'Artois car les reliefs sont les mêmes à l'est ce la frontière.
Rappelons quand même que la Flandre est plus basse, plus plate et en pente douce vers les Pays-Bas.

* La chaîne des Monts n'est qu'une série d'aspérités car aucun ne dépasse 200 mètres d'altitude et ce ne sont pas des massifs sédimentaires.
* La plaine littorale est soumise aux transgressions, de plus une partie est plus basse que le niveau de la mer.
* La Flandre intérieure et gallicane (entre Lys et Scarpe) est une région sédimentaire et argileuse avec des cours d'eau qui débordent d'autant plus facilement que le drainage peut poser problème (voir Phalempin les 2 et 3 décembre 2000).
Rien n'empêche de circuler, les terres sont lourdes et fertiles et les activités agricoles ont été longtemps prédominantes.

Autre rappel, c'est un pays humide. Le climat est tempéré, les précipitations sont abondantes et il n'y a pas d'excessivité des températures. Le climat océanique est d'ailleurs le plus tempéré qui soit, ce qui est bénéfique aux cultures... Cette année de records mise à part. L'eau est présente dans le sous-sol, qu'il s'agisse des sables pissarts de la plaine littorale ou des aquifères dans le reste de la Flandre. Encore une fois ce sont des conditions favorables. En surface, l'eau est aussi omniprésente puisque les cours naissent en Artois. Néanmoins avec la pente douce, avec des sols imperméables, les débordements sont fréquents, les marias pourraient se recréer.

Quant aux limites internes:
* Flandre maritime: le «Blootland», le pays nu, sans arbre
* Flandre intérieure: le «Houtland»
Les deux forment la Flandre Flamingante.
* Flandre gallicane: jusqu'à la Scarpe.
Les nuances, pour peu qu'elles soient subtiles, concernent la terre, les eaux, le peuplement.

C - SUR LE PLAN DU PEUPLEMENT

A la vue d'une carte récente des densités de peuplement en Europe, on voit que la Flandre est très nettement incorporée à l'«Arc de la révolution Industrielle». La densité est ici d'au moins 400 habitants par km² or la France n'affiche une densité de peuplement nationale de 106 habitant par km².

Les causes sont anciennes et variées:

- ville : phénomène ancien, sans préjuger de leur origine.
- influence du bassin minier, dont les activités sont consommatrices de main-d'oeuvre.
- industrialisation précoce (les sayetteurs du XVIII° siècle, les filateurs et la métallurgie au XIX° siècle, la reconstruction de la seconde moitié du XX° siècle).
- l'existence de ports autant commerciaux que militaires (quoique cette vocation n'ait plus de raison d'être) à vocation internationale.
- une bourgeoisie entreprenante (comme la famille Vrau) et une noblesse éclairée qui profitent d'une aide des politiques, grâce à des privilèges seigneuriaux ou comtaux (Qu'il s'agisse des Comtes de Flandre, ou des Archiducs). Nous avons eu plusieurs bienfaiteurs, notamment Napoléon Ier, dont la statue de Premier Consul orna longtemps le superbe écrin de la Vieille Bourse, qui favorisa chez nous les cultures industrielles pour cause de blocus continental à partir de 1806.

De fait, la Flandre possède un semis urbain dense avec une conurbation «centrale» (Lille-Roubaix-Tourcoing), celle-ci est entourée d'un réseau de villes moyennes, voire même de villes «rurales» à très courte distance les unes des autres. Si on ajoute à cela une position longtemps maintenue dans le «croissant fertile» et une tradition d'accueil maintenue depuis des siècles, rien n'est alors étonnant qu'il faille de grandes villes pour loger tout les monde... Le phénomène urbain tel que nous le connaissons est caractéristique des pays de l'Europe du Nord. Agriculture, aide des autorités et mentalité industrieuse, il n'en fallait pas plus pour l'agriculture soit moderne, avec des activités diversifiées, venant en support de l'essor urbain.

II - UNE MISE EN VALEUR PRECOCE

A - METTRE HORS D'EAU: UNE PRIORITE ABSOLUE

La côte flamande est soumise aux caprices de la montée des eaux à chaque période de réchauffement d'où des risques. Les transgressions marines sont assez insidieuses car aucun texte de mentionne d'épisode violent ou de cataclysme. Au retrait de la mer, les populations sont monté des digues comme celle de Jean de Namur dont il reste encore quelques vestiges à St-Pol-sur-Mer. Les gains sont considérables dans le temps mais peu importants dans la distance gagnée. Quoiqu'il en soit, c'est une entreprise de longue haleine, ainsi que le démontre G. Dupas à propos des polders de Gravelines.
Les modifications sur l'environnement sont importantes puisque ces assèchements modifient aussi les cours d'eau. Ces changements ont des incidences sur la sédimentation car les courses des rivières sont incertaines et l'eau peut alors devenir un ennemi «invisible» à combattre en permanence. Les digues sont à maintenir nécessairement.

Le drainage est nécessaire pour combattre l'eau et la rejeter à la mer. C'est ainsi que les Moëres ont été asséchées par Wencelas Coebergher sur ordre des Archiducs Albert et Isabelle. Le travail est long car il continue encore aujourd'hui. En 1770, les Moëres sont envahies par les eaux, les travaux sont abandonnés jusqu'en 1778. C'est un milieu assez fragile. Ailleurs, les watergangs doivent drainer les espaces plats, notamment à proximité des villes.

Ainsi, au sud de Dunkerque, c'est 4.500 hectares parcourus par des fossés qui s'ajoutent aux défenses de la ville. Non pas des défenses infranchissables mais suffisamment gênantes, qui servent aussi de limites cadastrales... Chercher une solution de rejet est un souci quasi permanent: car aucune solution n'est évidente, que l'on use des canaux à écluses, de fleuves comme l'Aa ou des canaux spécialisés comme le canal exutoire, percé dans les années 30. Ces très (trop) basses terres que l'on inonde sont alors des défenses souvent illusoires.
Le drainage existe aussi dans le reste de la Flandre, mais il a été avant tout le fait des abbayes et de quelques seigneurs

La disparition des marécages est aussi une conséquence des travaux de drainage. Utilisable en cas de danger selon Vauban, l'inondation est une chose exceptionnelle à grande échelle mais force est de constater que les marais ont été une donnée permanente du paysage flamand, du moins à certains endroits. On ne souffre pas de pénurie dans ce domaine quoique réserver les marécages à quelques points très isolés de Flandre ou à l'Audomarois est peut-être une erreur en se privant de certaines spécificités naturelles de ces milieux... Ces disparitions permettent cependant de mettre en culture l'ensemble du territoire notamment par la disparition radicale de ces surfaces humides. Quoiqu'il en soit, à la vue des fermes ou des nombreux châteaux résidentiels encore entourés d'eau, à la vue des nombreux étangs que l'on peut observer depuis le ciel, l'eau est encore très présente. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que l'eau, lors de très fortes pluies, ait beaucoup de mal à s'évacuer à cause de la configuration du terrain et de la réduction des capacités d'évacuation et d'absorption.

B - LA MISE EN CULTURE

Il y a des défrichements importants. La couverture forestière est réduite, naturellement dans le Blootland, par défrichement dans le Blootland. La couverture forestière a donc tendance à disparaître sauf sur les pentes des monts (voir la comparaison aérienne de Cassel par Sanderus et du 15 août 2000). Les massifs ont tendance à être reboisés (comme à Kemmel, au Mont Noir ou aux Récollets) car une mise en culture serait par trop improductive. Le reste de la plaine est dévolu à la culture: blés, maraîchage et cultures industrielles, développées depuis deux siècles. La caractéristique est ici - dans l'agriculture comme dans l'élevage - les termes utilisés : agriculture industrielle et intensive.

La qualité des terres oblige à une certaine complémentarité: là où on ne trouve pas de houblon, on trouve des séchoirs à chicorée. Ainsi on trouve des blés, de la chicorée (endive), de la pomme de terre, de la betterave sucrière , du houblon, du lin, et dans une moindre mesure, du tabac. Des plantes qui d'ailleurs ont souvent besoin d'eau. Nous bénéficions cependant d'un savoir pluriséculaire. Remercions au passage un de nos grands bienfaiteurs contemporains, napoléon Ier, sans lequel nous continuerions peut être à cultiver des fèves. A cela s'ajoute une nouvelle dimension qui s'inscrit dans les changements économiques: l'espace flamand est en effet favorable aux grandes exploitations.

Le bocage a disparu au profit de l'open-field et du remembrement, à partir de 1952. Les haies vives de Flandre intérieure et du Mélantois disparaissent pour créer de grandes parcelles autour des fermes isolées. Ce n'est là qu'une suite logique à l'existence d'une agriculture moderne créée dès le moyen-âge (voir les travaux du Professeur Derville). Déjà la flandre se distinguait au Moyen-âge par des rendements élevés, une agriculture déjà industrielle. L'agriculture flamande était prête à obéir aux ordres de napoléon Ier parce qu'elle avait les capacités d'y répondre. En effet, les études sociales montrent l'émergence lente mais inexorable des «laboureurs» et autres agents seigneuriaux dès le Moyen-âge, qui peu à peu imitent la noblesse. Comme les «Landlords» anglais, la paysannerie flamande est à la pointe du progrès et, avec quelques seigneurs, investit dans une proto-industrie établie à l'abri des enceintes urbaines...

La Flandre, c'est avant tout une région fortement marquée par le phénomène urbain et les activités qui y sont attachées...

III - LA FLANDRE: AUSSI ET AVANT TOUT UN PAYSAGE URBAIN

Il faut réitérer le constat; la Flandre appartient à l'arc industriel (la fameuse "banane bleue" des géographes) pour lequel la ville est un phénomène important:
* Elle est un phénomène ancien
* Ce phénomène a été accentué par la révolution Industrielle en regroupant les activités et la main-d'oeuvre.
* La vocation de la ville change en passant de la ville à rempart à la ville ouverte, à espace spécialisé.
La Flandre est le reflet, le témoin de la croissance explosive dans les domaines économique, urbain et humain...

A - LA RUPTURE DE L'INTEGRATION A LA FRANCE

La Ville n'est pas un phénomène importé par les Français, il existe un substrat ancien mais les villes sont cependant isolées dans des remparts quand elles sont importantes. Le réseau urbain se double de villes secondaires et les remparts se complètent de fortifications «semi-privées», rurales ...

La rupture est amenée par Vauban et non par les archiducs, pourtant très actifs. A leur arrivée, les Français n'ont fait que recueillir les fruits de la croissance et de la reconstruction après les guerres de religion.?

La seule nouveauté apportée par les Français est la nouvelle conception de l'utilisation de la ville. Elle devient le point d'appui d'une frontière définie dans le «pré carré» de Vauban. Point question ici de frontière linéaire, elle n'existe que dans le cas des frontières naturelles, incontestables car visibles. Ici, en plaine, on créé une frontière en profondeur, avec des lignes de défense, justement celle - voir la carte - est redessinée par la paix d'Utrecht, et qui par la suite devient celle que nous connaissons... La ville devient un point fortifié, chaque ville complète et couvre sa voisine, néanmoins ceci ne fonctionne que dans une stratégie qui veut que la guerre soit avant tout remportée par la prise des villes et non pas par l'occupation d'un territoire plus ou moins vaste. Les villes importantes se complètent d'une citadelle (citadella : petite ville) comme à Lille ou à Dunkerque, s'y ajoutent des villes secondaires (servant de camps retranchés comme Bergues refortifiée par Vauban) ou des forts secondaires, indépendants, qui sont autant de points d'appui (ex: Fort de Scarpe pour Douai, Fort Louis et Fort Vallières pour Dunkerque).

On trouve ici un réseau en ligne discontinue. Cette conception n'est pas une invention de Séré de Rivières et encore moins de Maginot... Les points d'appui naturels sont évidemment recherchés pour leur hauteur (difficile en Flandre) ou pour les capacités d'inondation . De fait les seules défenses naturelles mobilisables restent en Flandre les marais... Rien d'étonnant alors à ce que la citadelle de Lille ait si magnifiquement résisté en 1708: extraordinaire conception dans un environnement favorable (les marais de Lambersart). On peut aussi - comme à Dunkerque d'après la carte des watergangs du XVIII° siècle - utiliser les fossés de drainage qui peuvent gêner l'approche des ennemis ou même se servir de bras de rivières naturelles comme l'Arbonnoise - aujourd'hui disparue - à Lille.

Autre nouveauté dans l'aspect des villes, c'est la hauteur relativement faible des fronts des forts: les murs d'enceinte dressés par Vauban sont assez bas pour ne laisser que peu de prise aux tirs tendus d'artillerie, et de fait, ces fortifications - basses - s'intègrent naturellement au paysage de plaine. On est loin des murs élevés des enceintes médiévales...

La nouveauté est donc de penser la frontière comme un réseau de villes. Il faut aussi repenser la ville. Elles se doivent d'être protégées : Sanderus signale une simple levée de terre pour Armentières, les cartes montrent des douves (mais qui sont causes d'insalubrité et de maladies). Le schéma de Vauban présuppose malgré tout la destruction pure et simple des points de résistance hors de ses villes fortifiées d'où la volonté de détruire le plus vite possible les châteaux forts comme Erquinghem-Lys, Comines, Lannoy, etc.

Dans un tel contexte, les villes ne peuvent s'étendre que grâce à leurs faubourgs. Le spectacle des villes flamandes n'est pas des plus réjouissants car les monuments grandiloquents côtoient un misère profonde, dickensienne même... La misère est présente et l'organisation économique est difficile à gérer car dans un espace clos de petite taille, on ne peut avoir réellement d'espace spécialisé. La ville est un espace protéïforme; on ne sait pas toujours à quoi s'attendre. Tout réside dans la difficulté à concilier croissance économique et impératifs militaires qui veulent qu'on maintiennent des fortifications, qu'on les réaménagent ou qu'on les agrandissent. Quelque soit le choix, la ville n'est pas toujours agréable pour tout le monde.

B - LA REVOLUTION INDUSTRIELLE

On se trouve ici face au catalyseur de la croissance urbaine, d'autant plus que la Flandre bénéficie de nombreuses conditions favorable au «décollage» économique bien avant la fin du XVIII° siècle. On peut dire que nous avons réussi à prendre «le train en marche». L'existence d'une frontière «poreuse» est bénéfique ici par l'apport de main d'œuvre spécialisée. Les courants migratoires - importants - nous font bénéficier de l'expérience des filateurs belges (voir la Thèse de Pierre Pierrard) ou écossais (comme Dickson à Dunkerque) A cela s'ajoutent les traditions de travail et d'industrie ainsi qu'un contexte historique favorable comme le blocus continental de 1806 qui n'a fait que favoriser les productions locales, qui a incité le développement d' «Erszätsen» pour remplacer les produits d'importation contrôlés par les britanniques. La ville change...

Quant on regarde le tableau de Martin des Batailles sur l'inauguration de l'écluse de Mardyck (fin du XVIII° siècle, Musée des Beaux-Arts de Dunkerque), on voit qu'il l n'y rien ou si peu dans les campagnes. La ville concentre toutes les activités, l'espace est informel car toutes les activités s'y mélangent. Aujourd'hui, et à la suite de la Révolution industrielle, la vue aérienne comme les cartes désigne l'existence d'espaces plus grands mais spécialisés: le centre est dévolu à l'habitat, au commerce, aux «services», à l'est, la commune de Malo est avant tout résidentielle, celle de et de Rosendael se réserve à l'habitat et au maraîchage...

A l'ouest: St-Pol-sur-Mer concentre des usines, des espaces de stockage et un important habitat ouvrier, il en est de même à Coudekerque-Branche au sud... Point central de ce nouvel espace: le port agrandi par Trystram. Un port qui, du XIX° siècle jusque 1945, confond encore les activités économiques et militaires justifiant l'existence de nouvelles fortifications dont il reste quelques rares reliques... La III° République protège le port et la ville de Dunkerque centre, les autres communes en sont exclues (Malo est alors construites de villas de bois pour être démontées ou brûlées en cas de danger). Seuls le port et la ville centre sont considérés comme des points névralgiques...


Lille connaît une évolution analogue: au Lille ancien conservé dans son aspect XVIII° siècle, la ville est repensée au sein de nouveaux remparts avec l'annexion des communes de Moulins, Esquermes, Wazemmes... Mais comme la ville est aussi et avant tout une importante ville de garnison, les activités militaires sont inévitables. La physionomie urbaine de Lille est encore une fois conditionnée par la frontière. On opère une légère refonte des quartiers anciens avec la gare, le boulevard Faidherbe (nommé ainsi après 1870) et l'opéra, on spécialise les quartiers : les grands boulevards sont résidentiels, les communes annexées deviennent des espaces de production et de logement ouvrier... Mais le tout reste emprisonné dans les murs percés de portes. Comment prévoir justement cette ceinture: large mais pas trop, pas assez large et les faubourgs, industrieux donc vitaux, ne seront pas protégés, trop larges et on doit protégés des espaces vides et nécessairement improductifs dans un périmètre au coût d'entretien trop élevé pour les finances communales...

La Flandre connaît alors une nouvelle typologie urbaine: la ville de transit comme Dunkerque, la ville atelier comme Roubaix, la ville rurale où les activités industrielles ou de gros artisanat est complémentaire comme Bailleul ou Armentières... Ceci est possible grâce à une autre bienfaiteur : Napoléon III a permis et même incité à la modernisation des transports, à la voie d'eau et aux routes s'ajoute la voie ferre, mise en place surtout pendant le Second Empire: le train permet de mettre en relation toutes ces villes, que ce soit pour la mobilité des biens comme celle des personnes. En Flandre, le train et l'usine finissent par rythmer le paysage en mettant en relation des villes importantes. La gare est d'ailleurs un excellent informateur sur la dynamique urbaine. A Lille on trouve deux gares dont une est réservée aux voyageurs, au cœur d'un quartier rénové à l'aspect parisien, on veut donc impressionner le voyageur qui débarque. La seconde gare est réservée au fret dans un quartier où les usines sont nombreuses. A Dunkerque, la gare est un terminus mais elle se situe au point de jonction de la ville et du port, affirmant une double vocation... A Bailleul, la gare est à la périphérie, descendre du train à Bailleul oblige à marcher longtemps avant d'arriver au centre de la ville... A croire que les édiles locaux n'y croyaient pas du tout...

C - DEPUIS CENT ANS : DES EVOLUTIONS NOUVELLES

La première guerre mondiale est un événement majeur. Dunkerque excepté, les villes fortifiées de Flandre sont occupées par les Allemands, aux restrictions de circulation s'ajoutent le rationnement et la coercition des troupes d'occupation... La première guerre mondiale met en évidence l'obsolescence de ces remparts. Les murs, pour solides qu'ils soient, ne peuvent et ne pourront plus résister à l'artillerie lourde, qui opère a distance grâce au tir à déflexion, ni à la surpuissance des canons à âme rayée, encore moins à l'aviation... Et comme le char a été inventé, le combat est devenu mobile. Les villes ne sont plus des buts de guerre inévitables... Officiellement, les villes à rempart dont déclassées, et les murailles sont proposées à la démolition... Seul problème, les villes se voient proposer de racheter les murailles pour les détruire... à leur frais.

Durant les années 20, il y a trois types de villes flamandes:

- Les villes sans remparts où l'expansion est réalisable à moindre coût.

- Les villes à remparts assez riches pour racheter aux Domaines les fortifications et faire les travaux. A Lille, parce qu'on avait souffert de l'occupation, les remparts furent vite abattus même si l'on avait aucun projet pour les remplacer... Pendant longtemps, l'espace aujourd'hui occupé par le périphérique fut laissé vide, par manque de moyens et d'idées...

- Les villes à remparts pauvres, contraintes de garder ces remparts et dont la croissance ne peut que se reporter sur les faubourgs. Au sein de ces murailles naissent des «conservatoires» de l'architecture et de l'urbanisme ancien. Ce qu'on ne pouvait évidemment imaginer alors, c'est la transformation de cette contrainte en un fantastique atout touristique comme à Bergues ou Gravelines, dernière ville de Vauban dont on peut faire le tour des murailles par voie d'eau. Ces villes à rempart deviennent des villes typiques comme Bergues qui a du garder les remparts espagnols et les ajouts Vauban. En contrepartie, ces villes sont figées et l'urbanisme évolue très lentement, avec des contraintes très fortes liées à la conservation du cachet pittoresque et au respect des normes des Monuments Historiques.

Toute reconstruction est nécessairement une imitation du passé en modifiant très légèrement la trame urbaine ancienne. Cela permet la redécouverte d'un style régional pour les villes situées dans les zones de combat et qu'il faut reconstruire... Ce sont les derniers feux des villes rouges de Flandre...


La reconstruction de l'entre-deux-guerres est une seconde étape importante. Si avant guerre, Louis Marie Cordonnier édifia le Palais de la Paix à La Haye, on retiendra de lui les plans du nouvel Hôtel de Ville de Dunkerque (1901) qui complète merveilleusement le néogothique flamboyant de la façade de St-Eloi, dessinée par Van Moe. Son style éclate avec la reconstruction de l'entre-deux-guerres car il est le principal artisan de la reconstruction des villes dévastées... A sa charge, la reconstruction des villes de la vallée de la Lys. Il redonne aux villes flamandes leur lustre d'antan. Des villes entières sont repensées par lui comme par ses pairs: Bailleul, Armentières, Meteren, Armentières, Quesnoy-sur-Deûle... et des villages situés sur les lignes de front comme Radinghem retrouvent leur lustre d'antan avec plus ou moins de bonheur mais aussi avec quelques concessions à la modernité. Occasion est offerte de redécouvrir mais aussi de relire le passé architectural des Flandres. Cette démarche est encore plus flagrante hors de Flandre française comme à Arras ou à Furnes. Dans le cas de nos villes, il y a re-création d'une ville idéal en plaçant «mieux» des monuments reconstruits à presque l'identique, avec des matériaux nouveaux... Néanmoins ceci ne concerne que les centres et les bâtiments prestigieux car, sans verser dans le misérabilisme, la plupart des quartiers ouvriers ne voient pas d'amélioration... Le confort - comme les salles de bains ou les latrines intérieures - ne se généralisent qu'après la seconde guerre mondiale. L'eau courante n'existe d'ailleurs qua pour les grandes maisons dans de nombreux quartiers. La beauté de la plupart de ces reconstructions s'explique aussi par l'existence de budgets relativement élevés; en effet, la zone des combats ne concerne pas toute la France aussi on mobilise ici plus de moyens qu'on ne pourra le faire après 1945...

Autre événement décisif: la reconstruction après 1945, suivie des «Trente Glorieuses». Les dégâts sont plus importants et la reconstruction concerne autant l'habitat que les infrastructures de transport comme de production (qui n'a pas en mémoire les bombardements de la gare de Lomme-Lille-Délivrance?) On s'inscrit donc dans une double logique: logique de reconstruction mais avec des marchés d'état, ce qui explique une certaine uniformisation (à titre d'exemple hors de notre zone d'étude, Maubeuge est reconstruite après la seconde guerre: un quartier est identique à des îlots de Dunkerque, un autre quartier est copie identique d'une rue commerçante de Calais...). D
ans le même temps, les logements individuels sont remplacés par des immeubles collectifs. C'est là l'adaptation à la croissance économique et démographique... Car il ne faut pas oublier, la Flandre bénéficie aussi du «Baby-Boom». La seconde logique, c'est la dissociation des activités économiques et des espaces de logement en créant ici des quartiers ex-nihilo...

On entre dans une période de profonde mutation comme à Tourcoing où le centre historique (St-Christophe est à l'origine la chapelle castrale de Tourcoing) s'orne d'immeubles élevés ou des petites communes, rurales, comme Grande-Synthe deviennent des villes composées essentiellement de barres et de tours. Il importe de loger vite, dans l'urgence et à moindre coût, une population sans cesse plus nombreuse, en oubliant - certainement inconsciemment - que la banlieue soit être plus qu'une cité-dortoir, croyance erronée en un progrès économique infini et continu oblige...

Dans de nombreux cas, il est impossible de repérer la trame urbaine ancienne. Ce qui est relativement aisé à Dunkerque malgré un taux de destruction de 90 % est quasiment impossible à Lille-St-Sauveur avec la restructuration de 1959...

Signalons une expérience intéressante car unique au Nord de Paris, c'est «l'invention» d'une ville à partir des trois villages de Flers, Ascq et Annappes (assez anciens d'ailleurs puisque Annappes fut un fiscus carolingien et Annappes est cité à la même période). Nous nous plaçons ici dans une logique de croissance maîtrisée et pensée dans un ensemble vaste: la gestion d'un espace nouveau...

Néanmoins, il reste quelques créations dont l'impact est négatif surtout sur le paysage comme les grandes usines - notamment sidérurgiques - comme Usinor-Dunkerque, devenue ARCELOR. Bien évidemment, il n'est nullement question de réclamer une éventuelle fermeture mais plutôt de constater que de nombreuses usines comme celle-ci ont été édifiées à une époque où personne ne se souciait d'esthétisme industriel (contrairement à de nombreuses filatures du XIX° siècle) ni de protection de l'environnement. On peut tout au plus réclamer des modifications pour limiter les rejets (des polluants salissants et qui ne sont pas sans conséquences sur le plan de la santé...) ainsi que l'aspect actuel. Ceci est d'une haute importance si on veut continuer de jouer la carte du tourisme, que ce soit la région ou même la ville de Dunkerque...

Si les villes-ateliers de la révolution industrielle ont disparu, seuls subsistent quelques points d'activités très spécialisés, les villes tertiaires et les villes rurales constituent l'essentiel de la trame urbaine flamande actuelle...

En Guise De Conclusion
A choisir, trouvons une ville de Flandre qui reflète bien notre propos... Proposons, en Flandre intérieure, la ville de Steenvoorde. Il est possible de comparer la vue proposée au XVII° siècle et une vue aérienne contemporaine. Une bonne part du patrimoine ancien est conservée mais la trame urbaine ancienne est relativement bien respectée malgré la croissance de l'espace bâti... Le château, conformément aux évolutions de la poliorcétique a disparu... Ici la croissance urbaine a été relativement bien maîtrisée avec le maintien d'activités non agricoles et spécialisées (stockage de viandes) mais le paysage a évolué sensiblement avec un important déboisement et un remembrement très important pour créer des parcelles vastes...
Nous sommes donc ici dans une ville typique de l'Europe du Nord, de taille moyenne au sein d'un réseau serré, proche de plus grandes villes.

samedi 30 décembre 2006

Réminiscences


Lille occupée, Lille bafouée par une occupation sévère et des combats réguliers. les bombes et obus tombent régulièrement sur une ville où les habitants ne sont plus que des prisonniers à qui l'on rappelle par une parade quotidienne, la relève de la garde avec la fanfare de la Landsturm et les armes lourdes allemandes devant leurs commandements, qu'ils sont du mauvais côté de la lgne de front....
Un petit voyage qui s'impose pour vous qui certainement faites vos dernières courses de 2006 en arpentant les rues commerçantes de Lille...


Autre meurtrissure au coeur des Lillois: les ravages de l'explosion des 18 ponts...


Les 18 ponts où une tragédie qui demeure encore inexpliquée...

la rue du Vieux marché aux moutons a changé de nom pour devenir la rue du Molinel comme si le changement de dénomination aidait à effacer défintivement les stigmates.


Parfois, des Lillois qui ont fuit les combats reviennent chez eux, souvent bloqués par la stabilisation du front mais chanceux de n'avoir pas été capturés et déportés en Allemagne mais le retour est amer, ils ne trouvent souvent que désolation.


Les quartiers ouvriers ne sont pas en reste pour payer le tribut à la guerre et les usines se dressent tels le des vestiges d'un passé enfoui sous les décombres.


Incendié en 1916, la perte du palais Rihour et la mairie sont un coup dur pour les lillois et... pour les histoiriens, les archives anciennes de la ville partirent en fumée par la même occasion.


Ruines fumantes de ce qui fut la rue de la grande bourgeoisie lilloise avec le Boulevard Faidherbe. Le Boulevard de la Liberté a été écrasé sous les bombes.


Les rues lilloises sont encombrées de décombres... La rue de Béthune, la Place Richebé, toutes les voies où les lillois déambulaient ne sont plus que l'ombre d'elles-meme.

sérénité hivernale

vendredi 29 décembre 2006

Chronique d'une mort annoncée...

Bonjour, plus que quelques heures pour clore l'année et mettre fin à la vie du Blog "Dunkerque sur mer"...


Les bateaux sont de plus en plus rares au port-est, port-est d'ailleurs où il est souvent difficile de faire des photos car là où les bateaux les plus intéressants viennent s'amarrer, il est interdit de faire des photos (grilles, vigiles, etc...). Enfin, je préfère concentrer la plus grande partie des clichés sur Histoires du Nord car les visites y sont plus nombreuses... Autant être pragmatique... Au 1er janvier donc, je fermerai définitivement Dunkerque sur mer

Resquiescat in pace...

Dans les dessous de la cathédrale de Boulogne


la cathédrale de Boulogne, si classique dans ses formes, si sobre dans son mobilier liturgique, cache des trésors dans l'ombre de sa crypte... Quelques clichés en espérant que vous aurez envie de l'arpenter...


Sévérité de la foi?


Amour filial et tendresse maternelle.


martyre...


sérénité devant un inéluctable destin...


douceur des traits prêtés par le ciseau du sculpteur...

Ciel d'hiver où la blancheur de la pierre de Lezennes qui a servi à construire Saint-Maurice de Lille prend des teintes lumineuses.


Passé les portes de l'église de Ghistelles, un calvaire est la première chose que l'on voit. D'emblée, la dimension pénitentielle du christianisme se comprend.

Sainte-Godelieve, fille des Flandres


la dévotion envers Sainte-Godelieve est profondément ancrée dans les coeurs et les âmes des Flamands et des paroissiens de Ghistelles... La chasse admirablement ouvragée est un trésor qui sommeille dans une chapelle latérale de l'eglise paroissiale toujours bien en vue des croyants.

Vers l'an 1049, sous le règne d'Henri Ier, naquit Godelieve.

Son père s'appelait Hemfrid, il était seigneur de Wierre-Effroy, dans le Boulonnais. Sa mère s'appelait Ogine. Ils eurent trois filles : Ogine, Adèle et Godelieve. Ils habitaient le château de Wierre à Longfort

La réputation de sa sagesse et de sa beauté se répandirent jusqu'aux confins du pays.

Un jeune seigneur flamand, Bertholf de Ghistelles, entendit parler d'elle et se jura de l'épouser. Il se rendit à Longfort et la vue de Godelieve lui fit tant impression qu'il se déclara de suite. Mais Hemfrid, son père, répondit qu'il ne voulait pas contrarier sa fille qui désirait devenir religieuse.
Bertholf rentra à Ghistelles et sut mettre le comte de Flandre Beaudoin, son parent, dans ses desseins. Après l'intervention de Beaudoin auprès du comte Eustache de Boulogne, et par son intermédiaire, à Hemfrid, Godelieve donna son consentement pour de pas déplaire à ses parents.
Ce ne fut pas sans pleurer que Godelieve quitta ses parents.

Sainte Godelieve épouse Bertholf, le riche seigneur de Ghistelles, à l'âge de dix-huit ans.

Sa belle-mère la hait très vite et son mari décide de la faire disparaître.

Bertholf avait souvent parlé de sa mère à Godelieve et de la tendresse qu'elle avait pour son fils. Godelieve se proposa de la regarder comme sa propre mère et d'avoir la tendresse d'une fille.
Arrivés au château, Bertholf présenta Godelieve à sa mère. Pénétrée par la jalousie, elle dit :"Que nous amenez-vous là ? Nous avons assez de corneilles dans notre pays, sans que vous alliez de si loin chercher celle-ci !..."

Elle les quitta les laissant dans une grande stupéfaction.

Dès ce moment, Bertholf sentit s'éteindre le feu de son amour pour Godelieve.

Le soir, voyant Godelieve laissant flotter ses cheveux noirs, la mère de Bertholf entra dans une rage violente, disant à ses femmes de chambre : "Voyez la belle corneille que mon fils s'est choisie. Il a déshonoré notre maison. Honte et malédiction sur toi Bertholf, tu feras le tourment de ma vie, maudit sois-tu mille fois" !

Faut-il rechercher la cause de cette aversion dans les origines familiales?
Bertholf était de race Nortmanne ou Germanique et que, comme tous les hommes de cette race, il avait une haute stature, les yeux bleus et les cheveux blonds. Godelieve était née dans le Boulonnais longtemps occupé par les Romains. Comme ces conquérants avaient les cheveux noirs, on peut penser que du sang Romain coulait dans ses veines. Cela expliquerait en partie l'antipathie de la mère de Bertholf.

Bertholf finit par avoir horreur de son mariage et songea à le faire casser. Sa mère lui conseilla de partir en voyage. Elle s'occuperait de Godelieve...

Prenant prétexte que Bertholf était parti en pèlerinage à Notre Dame de Bruges, pour que sa femme soit féconde, la mère commença à persécuter Godelieve. Elle l'injuria, la traitant de corneille, l'obligeant à rendre tous ses bijoux. Puis elle conduit Godelieve dans une cellule du château en lui imposant une jeune fille comme aide mais aussi espion et qui lui apporterait à manger et les valets étaient chargés de l'injurier au passage.

Bertholf revint mais influencé par sa mère, il adopta la même attitude qu'elle en injuriant et repoussant Godelieve. La mère redoubla ses injures et ses coups, Bertholf faillit avoir pitié mais sa mère clama que cette fille était tout juste bonne à chasser les corneilles

Elle fut donc envoyée dans les champs pour chasser les corneilles avec la servante qui lui était adjointe.

Bertholf, de son côté, courait de ville en ville en répandait de noires calomnies sur sa femme. Mais personne n'y croyait.
Une femme touchée de compassion vint trouver Godelieve et la supplia de rentrer chez ses parents. Convaincue, elle s'enfuit pour rejoindre son père.

Au château, personne ne la reconnut tant les mauvais traitement l'avait défigurée. Quand elle se nomma, son père Hemfrid se mit en colère et parti se plaindre à Beaudoin comte de Flandres.

Mais Beaudoin pensa qu'il s'agissait là d'une affaire ecclésiastique et lui proposa d'aller trouver l'évêque de Tournai et de Soissons. Par souci de conscience, le père de Godelieve soumet la séparation devant l'évêque de Tournai mais ce dernier exige que les époux reprennent la vie commune. Celui-ci lança un mandement enjoignant à Berhtolf de reprendre sa femme et de vivre en bonne intelligence avec elle. Bertholf effrayé rejeta tout sur sa mère et promis de respecter le mandement.

Godelieve retourna donc à Gistelles mais pour y retrouver la même vie : la cellule, peu de nourriture, les injures

Un an passa, Bertholf et sa mère, furieux de voir qu'ils n'arrivaient pas à se débarrasser de Godelieve décidèrent d'utiliser un moyen violent.

Il feignit de se repentir de sa conduite en prétextant qu'une maladie s'était jetée sur lui. Il promit de vivre avec elle comme au premier jour. Godelieve étonnée mais confiante, s'habilla magnifiquement pour plaire à son mari. Cela dura huit jours. Puis Bertholf lui confia qu'il avait fait appel à une matrone pour le guérir de ses mauvais penchants et lui proposa d'être aussi introduite auprès d'elle. Le soir, Il monta sur son cheval et partit vers Bruges afin de ne pas être soupçonné de complicité du crime qu'il avait ordonné.

Godelieve qui avait passé la soirée dans la chapelle, rentra dans sa chambre et s'endormit. Peu de temps après, on frappa à sa porte pour l'avertir de ce que la femme dont Bertholf lui avait parlé était là et voulait la voir. Godelieve ouvre la porte et se dispose à s'habiller. "Non madame, dirent les scélérats, c'est en négligé et avec vos cheveux épars qu'elle veut vous voir."
Godelieve, vêtue de sa tunique s'empressa de descendre.

A peine est-elle dans la cour que des hommes se lancent sur elle et l'étranglent avec une nappe longue et étroite. Godelieve ne poussa pas un seul cri. Elle perdit en même temps la voix, le souffle et la vie.

Comme le sang lui sortait par les yeux, la bouche et les narines, les bourreaux la jetèrent dans le puits de la cour, puis, après l'avoir lavée, la couchèrent dans son lit pour faire croire qu'elle était morte naturellement.

Ceci se passa dans la nuit du 6 au 7 juillet 1070.

Le matin, les domestiques trouvèrent le cadavre et remarquèrent les traces d'étouffement. Bertholf rentra dans la journée et feignit le désespoir. Sa mère fit de même. Mais ils ne trompèrent personne.

Quant au comte de Flandre, déjà ennuyé avec d'autres vassaux, ne fit pas grand cas de cette mort... Et Bertholf ne fut pas inquiété par la Justice des Hommes.

Veuve, Bertholf contracta une seconde union. Mais il eut de cette femme une fille aveugle de naissance. Bertolf y vit la punition de son crime. A l'âge de 9 ans, la petite fille qui avait entendu parler de Godelieve et de ses qualités, se prit à l'aimer tendrement et la priait tous les jours. Un matin, elle prit de l'eau du puits dans lequel avait été jeté Godelieve et s'en frotta les yeux puis recouvrit la vue.

Bertholf n'en fut que plus mortifié. Il partit à Rome pour obtenir le pardon, de son crime et finit ses jours au monstère de Bergues-Saint-Winoc où il observa la plus grande pénitence.

Elle fut assassinée en 1070 mais son corps, levé le trois des calendes d'août 1088, est finalement retrouvé intact. En se séparant de sa famille, Godelieve déposa son fuseau en terre. Il jaillira une fontaine en cet endroit où une chapelle sera érigée. Elle attirera de nombreux pèlerins venus boire cette eau miraculeuse et implorer la puissante intercession de la sainte pour obtenir la guérison d'une fièvre qui sévissait alors dans le pays.

Depuis lors, un pèlerinage réunit chaque année, le dimanche qui suit le six juillet, des fidèles qui perpétuent la tradition. L'eau aurait aujourd'hui le pouvoir de guérir les maux d'yeux et de gorge. Godelieve est aussi invoquée par les femmes qui sont maltraitées par leur mari ou par celle qui ont un mari de mauvaise humeur. On la représente avec un linge tordu autour du cou ou avec une corde. Elle porte généralement un morceau de pain qu'elle donnait aux pauvres.