jeudi 14 avril 2005

Les premiers résistants

La résistance est chère au cœur des gens du Nord, que ce soit à Lille ou ailleurs, quelle que soit la forme de l’oppression. Si l’occupation de 1940 fut si douloureuse, c’est aussi parce qu’elle renvoyait à un souvenir dramatique : celle de la Première guerre mondiale.

Lille, sur laquelle l’Etat-major ne comptait que peu, puisqu’à la veille du conflit l’on envisageait de la désarmer, fut rapidement enlevée par les troupes du Kaiser. L’irruption des troupes allemandes le 12 octobre 1914 par la Porte de Douai ne permit pas aux 2.795 soldats français d’opposer une longue résistance et jeta les lillois dans le désarroi. Une longue occupation commence alors que la population est prisonnière des remparts de la ville, jusqu’à ce que les Anglais puissent entrer dans la capitale des Flandres le 17 octobre 1918…

Durant ces quatre années, privations, réquisitions, humiliations, rafles, déportations, voire pire.


Un monument perpétue le souvenir de ces années noires souvent oubliées du reste de la France. C’est que la situation de Lille est spécifique : la ville, proche du front, est capitale pour les Allemands. Autant dire que la population lilloise est soumise à de rudes épreuves car le régime qui leur est imposé est d’une dureté exemplaire. Des réseaux se constituèrent pour mettre sur pied une résistance efficace. Le monument qui se dresse devant l’esplanade de la citadelle, au devant du canal de dérivation de la Deûle, rend hommage au comité Jacquet, aussi important pour les Lillois que Louise de Bettignies, en l’honneur de qui l’on baptisa une petite place au cœur du vieux Lille, ou Léon Trulin à qui l’on dressa une statue avenue du Peuple Belge.

Jacquet et ses amis constituèrent un comité, véritable réseau qui collectait des renseignements, exfiltrait des pilotes alliés. Ce comité très actif fut dénoncé, arrêté par traîtrise puis jugé. Quatre hommes furent fusillés le mardi 22 septembre 1915 dans les fossés de la citadelle après avoir été détenus quelques jours dans une cellule de la Porte royale de la citadelle: Eugène Jacquet, Georges Maertens, Sylvère Verlust et Ernest Deceuninck. Tout comme le jeune Léon Trulin, les trois premiers inhumés au cimetière de l’Est tandis que la dépouille d’Ernest Deceuninck fut, comme il l’avait souhaité, transporté de ce cimetière à celui d’Armentières dont il était natif. Une statue lui fut dressée à Armentières mais elle fut discrètement démontée sur ordre des Allemands en 1940 puis retrouvé sa place à la libération.


A Lille, un monument fut commandé en 1929 au sculpteur Desruelles, les quatre hommes font fièrement face au sort qui les attend, le dos au mur. Le sculpteur les associa à Léon Trulin, gisant à terre. En 1940, les Allemands s’installant à nouveau dans la ville dégradèrent le monument très sérieusement, il fut parmi les premiers que les Lillois restaurèrent. Aujourd’hui, les souvenirs des résistants des deux conflits se rejoignent puisque les années 90 virent s’élever un autre monument près de lui, dédié lui au Général de Gaulle, autre enfant illustre de la cité flamande.

D’autres Lillois résistèrent tels Léon Trulin, associé au souvenir du Comité Jacquet. Immigré belge installé à Lille, ce jeune garçon gagna l’Angleterre en juin 1915 mais ne put s’enrôler dans son armée exilée. Il regagna le continent non sans être chargé de missions de renseignement. Capturé, il fut passé lui aussi par les armes le 8 novembre 1915. Il était à peine âgé de 18 ans .


Il serait injuste d’oublier Louise de Bettignies. Les femmes, dans les deux conflits, prirent une large part à la résistance à l’oppression. Noble, Louise de Bettignies était issue d’une famille qui connut quelques revers de fortune. Elle n’en avait pas moins reçu une éducation soignée, en étant notamment diplômée d’Oxford. Polyglotte, elle refusa même de devenir la gouvernante des enfants de François-Ferdinand d’Habsbourg, dont la mort précipita le monde dans la guerre. Au début de la guerre, elle fit un voyage rapide en Angleterre, où elle se mit à la disposition de l’Intelligence Service, selon elle, plus efficace et plus généreuse que les services français. A la tête d’un réseau, elle oeuvra dans le renseignement puis finit par tomber entre les mains des Allemands. Incarcérée à Bruxelles, elle fut condamnée à mort le 2 mars 1916, peine commuée en travaux forcés à perpétuité. Transférée à Siegburg, soumise à de mauvais traitements, elle finit par tomber malade. Mal soignée, elle décède en détention le 27 septembre 1918 à Cologne.

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