mardi 26 avril 2005

La haute tour de la Cathédrale de Saint-Omer, qui avait récupéré la charge épiscopale de Thérouanne rasée par Charles Quint, domine la ville. La dentelle de pierre, sa blancheur se détache sur le ciel d'Artois... Des jardins publics proches, la vue pourrait donner à croire que l'on se trouve dans un des ces fameux colléges anglais.

Drapé dans sa cape, Auguste Angellier, le professeur d'anglais et poète veille encore avec bienfaisance sur l'ancien quartier universitaire lillois.

Le bras armé et levé, elle se dresse fièrement sur la place d'Hondschoote, entre mairie et église et fait écho à la bataille de 1793 où la Gendarmerie moderne naquit, équivalent pour ce corps du Camerone des Légionnaires ou du Bazeilles des Marsouins.

Le monument aux morts de Steenvoorde a une particularité qui touche de près les gens du Nord, il représente un moblot de la guerre de 1870, chose assez rare pour être remarquée.

samedi 23 avril 2005

L'Aa, plus petit fleuve de France pour les cruciverbistes... et frontière entre Flandre et Artois (quoique la petite ville de Grand Fort Philippe soit en Flandre, donc dans le département du Nord). Les deux forts Philippe sont sur un port à flots: 6 heures après ce cliché, le lit sera quasiment vide, les bateaux couchés sur la vase...

C'est un peu le destin de la batellerie française dans une seule photo. Abandonnée, cette bélandre meurt lentement dans un bras mort du canal de Bourbourg... Et pourtant, combien de camions éviterait-on sur les routes en réhabilitant la voie d'eau?

Les canaux sont aussi le paysage des provinces du Nord. Naturels ou creusés dès le Moyen Âge, ils ont permis aux villes d'entâmer une "proto-révolution industrielle" et ont servi de support à la Première Révolution Industrielle, quand les matières premières étaient transportées par péniches avant qu'elles ne soient elles-même supplantées par le train...

L'église de Steene, en Flandre littorale, est représentative de l'architecture religieuse flamande. C'est une hallekerke du XIIe siècle (église-halle) à trois nefs, dont une - cachée ici - est amputée sur sa majeure partie. Un solide clocher est érigé à ce qui aurait du être la croisée de transept.

jeudi 21 avril 2005

A Malo-les-Bains, la marque du passé qui résiste le mieux aux outrages du temps et aux modes de l'urbanisation, ce sont encore les grandes villas de la bourgeoisie du XIXe siècle. Contrairement à ce que l'on croit souvent, les plus beaux exemples ne sont pas sur la digue de mer, il faut se laisser surprendre à déambuler dans les rues de la ville pour découvrir ça et là quelques joyaux où l'on finit par rêver de voir sortir une belle en crinoline...

Jumeau du Sandettie, Il attend depuis des années que les travaux entâmés pour sa restauration se finissent enfin. Débarassé des ses oeuvres vives, delesté de ses canots, amputé de sa lanterne, le bateau-feu est lié au quai dont il semble maintenant faire partie intégrante et sa proue pointe en un dernier effort vers le passage qui pourrait le mener une dernière fois vers la mer...

Le Sandettie, bateau-feu, gardien immobile sur les bancs de Flandre, est désormais amarré... Il ne naviguera plus mais au moins il est préservé de la décheance que connaissent la plupart des navires qui pourrissent dans un bassin ou qui sont livrés au chalumeau des ferrailleurs.

L'ancienne villa Ziegler, devenue Maison de la Nature et de l'Environnement de Dunkerque. Après avoir passé longtemps entre différentes mains, elle a finalement été restaurée et est occupée de façon permanente. La batisse est typique des premières constructions malouines: en bois parce que la zone était au XIXe siècle "non aedificandi": il fallait pouvoir démonter les maisons, voire même les détruire le plus vite possible, au cas où l'ennemi arriverait par l'Est de l'agglomération. Il faut dire que Malo était immédiatement au pied des glacis des remparts érigés au XIXe siècle.

le monument aux morts de Malo-les-Bains (Dunkerque), un groupe de soldats blessés, harassés, traînant... Pas d'exaltation des valeurs guerrières de nombreux monuments et cénotaphes, juste l'expression d'une douleur.

Deux conceptions de la guerre s'affrontent et sont aujourd'hui désuètes: sur l'estran, le fort de l'Heurt protège le Portel (avec deux forts à terre), construits par Séré de Rivières pour compléter la défense de la ville de Boulogne... Sur la plage, un bunker allemand du mur de l'Atlantique glisse lentement et ne surveille plus rien. Derniers témoins d'une époque qui dépasse le commun des mortels.

Comines, ville plusieurs fois martyre. ravagée en 1382 (en pleine guerre de Cent Ans), elle vit s'élever un château de briques parmi les plus puissants des Flandres. Il fut abattu par les architectes de Vauban et servit de cible pour entraîner les canonniers du Maréchal d'Humières. Finalement, les ruines disaprurent pendant la Première guerre mondiale, la ville ayent eu le malheur d'être sur la ligne de front entre Allemands et Alliés. La reconstruction fut lente et l'église fut remplacée par un édifice néo-byzantin qui peut sembler incongru en Flandre mais qui n'est pas dénué de charme. Saint-Chrysole, le patron de la ville, a bien dû s'habituer à ce changement de style...

mercredi 20 avril 2005

Rosendael, aujourd'hui Dunkerque, est veillée par son beffroi de briques rouges. Ebranlé par la seconde guerre mondiale, il est un des symboles de la renaissance de la ville portuaire.

Perchée sur une colonne, cette Victoire brandit le rameau d'olivier, le monument a été élevé en mémoire des divisions britanniques qui arrêtèrent la dernière offensive allemande du 9 au 21 avril 1918. Elle se dresse en haut du Mont Noir, à côté de l'ancien hôtel où l'on peut encore voir une coupole d'observation blindée de la Première guerre dans le jardin.

dimanche 17 avril 2005

Dans l'immédiate banlieue lilloise, le château d'Avelin est comme une île, érigé sur une vaste plateforme et entouré d'eau où les images se répètent en écho...

Chevilles ouvrières du port, les remorqueurs sont - comme les pilotes - indispensables à qui veut entrer dans le havre dunkerquois sans s'échouer sur les bancs de sable, ni de drosser sur les quais.

Amarré devant l'ancien Entrepôt des tabacs, le trois-mats-barque Duchesse Anne fait aujourd'hui partie du patrimoine maritime dunkerquois.

Du haut de ses 158 mètres, le Mont des Cats se détache de la plaine flamande mais il est bien difficile de le discerner depuis le ciel. Seuls points de repère: l'antenne de télédiffusion et surtout le Monastère trappiste qui en fait une "colline inspirée".

A deux pas des quais de Boulogne-sur-Mer, le "Printemps des Peuples" est évoqué au travers de la statue équestre du général San-Martin, fondateur de la République d'Argentine, venu passer des derniers moments dans cette ville.

Le soleil de Flandre brille de ses derniers feux d'une belle journée de printemps. La garde au drapeau du monument de Wormhout laisse l'espoire de nouvelles belles journées.

simplicité et sérénité; voilà ce que l'on éprouve devant le visage de pierre de Sainte-Walburge

Le manièrisme baroque a transformé les visages et les corps des saints. Est-on sur que Saint-Willibald, un des évangélisateurs de la Flandre était aussi extatique en permanence?

Loin des scènes doloristes, le monument aux morts de Phalempin porte un nom enthousiaste qui n'est pas sans rapport avec l'ambiance "fleur au fusil" du début de la Grande Guerre : "La Victoire en chantant".

samedi 16 avril 2005

A Veurne (Furnes pour les Français), la ville des Pénitents, fléches et clochers sont voisins: les toits de l'Eglise Sainte Walburge n'ont rien à envie à ceux de la Halle échevinale ni à son beffroi.

Passée la Porte de la cour d'honneur de l'Arsenal de la Citadelle de Lille, aux colonnes toscanes rustiques, l'on découvre un trophée d'arme à la gloire de l'artillerie de Louis XIV: écu fleurdelysé, drapeaux en faisceaux, canons, boulets, gabions et fascines ne laissent subsister aucun doute quant à l'usage de ce beau bâtiment.

Les anges sonnent la Gloire de Louis XIV au tympan de la nouvelle Porte de Paris, ils encadrent les Armes du nouveau maître des Pays Bas Français... La fleur de Lys de France supplante désormais celle d'argent sur fonds de gueules des Lillois.

Le Fort Vallières, à Coudekerque, dresse encore ses murs devant le canal qui relie Bergues à Dunkerque, dans le camp retranché créé par Vauban

symbole tragique: la "Croix du sacrifice", qui se trouve dans tout cimetière britannique, fait mémoire du sacrifice de deux générations, à vingt ans d'intervalle, parfois en abritant de ses bras les dépouilles des anciens ennemis. A Ledringhem, à l'ombre de la Hallekerke, le cimetière recueille les reste de jeunes hommes qui ont fait le don ultime.

Joufflus enfants qui dispensent l'eau, bien si rare sur le littoral, aux passants qui viennent à la fontaine de la Porte Gayole de Boulogne-sur-Mer.

Sous le regard de la Vierge de Boulogne, miraculeuse, arrivée par bateau, seule sur un frêle esquif, l'on pénêtre enfin une ville close de remparts dont le charme ne saurait lasser.

Au pied de la muraille de la Vieille Ville de Boulogne, une statue polychrome regarde le passant avec bienveillance. Jenner, l'inventeur de la vaccination variolique, méritait bien cet hommage.

Les restes du collège jésuite de Watten et le "Logis de l'Evêque", dernières reliques d'un passé autant spirituel que militaire.

La Montagne de Watten

Watten est lovée contre la vallée de l’Aa, au carrefour des Flandres, de l’Artois et de l’Audomarois. Le village est dominé par « sa » montagne que couronne l’abbaye en ruines, avec sa tour visible de si loin qu’elle servit longtemps de phare ou tout du moins de point de repère aux marins. Tout près d’elle, à la pointe d’un ancien bastion, se dresse un moulin de briques et de pierres. Que Watten ait été par ailleurs un lieu de garnison important ne saute pas d’emblée aux yeux. Pourtant, ces levées de terres, fantômes d’un passé militaire lointain, pourraient bientôt renforcer la notoriété de la commune... Car, si peu de gens savent qu’ils existent, ce sont ces vestiges d’enceintes cernant l’abbaye qui ont permis à Watten de rejoindre l’Association pour la mise en valeur des espaces fortifiés région Nord-Pas-de-Calais. Watten est maintenant officiellement estampillée « ville fortifiée », au même titre que Bergues ou Gravelines.

Un site stratégique méconnu
Ce qui fait l’intérêt de ce site si méconnu ? En premier lieu, la fortification elle-même, même si elle n’est pas encore vraiment visible du public. C’est une fausse braie, une levée de terre sans parement de briques, à l’instar de ce que pratiquaient les Hollandais à l’époque de Vauban. Verrouillant la vallée de l’Aa pour protéger St-Omer, Watten perdit son rôle stratégique en même temps que cette dernière et tomba dans un oubli relatif.. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fut prise par la Liebstandarte SS Adolf Hitler lors de l’offensive allemande vers la mer du Nord...

Pour en apprécier la visite, il faut laisser la voiture dans la rue Principale, rejoindre à pied la paroisse Saint-Gilles par l’étroite rue pentue que l’église surplombe puis se rendre au sommet de la montagne. Une ascension qui se fait dans la quiétude : une route en pente douce mène au site. Là, à 72 mètres d’altitude, le regard embrasse le Blootland (le Pays Boisé) ; et la mer se laisse découvrir par temps clair. Par forte chaleur, on pourra profiter de la fraîcheur de la tour, dont la pénombre se nimbe d’une lumière mystique grâce au toit de ciel bleu. Avec un peu de chance, le promeneur croisera, au cours de leur balade, un lièvre ou un chevreuil. Quant à l’amateur de botanique, il trouvera ces massifs de chardons Marie, nés dit-on d’une goutte de lait du sein de la Vierge, qui ne poussent que sur la butte du moulin et se laissent mourir lorsque l’on tente de les acclimater ailleurs...

Dans la même bourgade, la riche demeure de Jules Torris abrite aujourd'hui le commissariat de police...

A Gravelines, la Tour de la rue léon Blum offre un panorama inespéré sur le beffroi.

A Dunkerque, la tour de l'Armateur, ultime survivante de la Cité, veille sur l'horizon.

Les dernières vigies...

« Devine d’où je t’appelle ! ». Nul ne peut plus échapper à la communication, même pour la pire banalité. L’on finit même par se demander comment on faisait avant. L’information a toujours été capitale à la bonne marche des affaires. Les armateurs flamands avaient, en leur temps, trouvé une solution pour anticiper car les nouvelles de leurs navires étaient rares : radio et téléphone sont récents, peu de nouvelles hormis les celles données par les navires qui croisaient leurs bateaux. Ils se résolurent à bâtir des tours pour scruter la ligne d’horizon et les devançaient au port, préparant au plus vite les ventes, présumant de la cargaison et de l’état du vaisseau.

Une survivante discrète
La doyenne de ces tours est une vieille dame discrète : il faut être en citadelle pour réellement la remarquer entre les deux beffrois de l’autre côté du bassin. Elevée au XVIIIe siècle, elle est rattachée à la « maison de l’Armateur », cet hôtel particulier de style français bâti en 1748 pour Etienne de Chosal, Général du siège des Traites (les impôts indirects). La construction est simple : une tour de briques coiffée d’une poivrière d’ardoises, des fenêtres éclairent l’escalier et au sommet, des fenestrons offrent une vue imprenable. Mais elle est bien cachée au cœur de son quartier : une ascension du beffroi de St-Eloi s’impose pour la découvrir entièrement. Rare vestige du Dunkerque d’avant 1940, elle est inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1984. Le port possédait d’autres trésors avant la dernière guerre. Ainsi, les bombes ont fait disparaître l’Hôtel de la Chambre de Commerce, qui possédait sa propre vigie ainsi que celle qui surmontait l’ancien bâtiment du pilotage construit sur les plans de l’architecte Morel en 1898, n’en laissant plus que la terrasse. La grande bâtisse rouge qui trône près du Pont du Texel, amputée de son observatoire, laisse seule sur le port la vigie qui coiffe le bâtiment du remorquage.

Les souvenirs de la puissance gravelinoise
Hors de Dunkerque, d’autres armateurs connurent une bonne fortune. Gravelines, dans ses dépendances fort-philippoises, avait sa propre armada de cotres et de goélettes. A quelques pas de la mairie, rue Léon Blum, une guérite émerge au-dessus les toits. Edifiée en 1735, la maison échoit au XIXe siècle par héritage à un armateur qui la complète d’une tour placée en droite ligne du chenal. Les lieux abritent aujourd’hui le cabinet d’architecte de M. Wallyn. L’ascension de l’escalier en colimaçon est ponctuée par les portes ouvrant sur la maison. Les fenêtres laissent augurer du paysage que l’on découvre du haut de la plate-forme : le regard y embrasse toute la ville. De là, le maître des lieux attendait le retour de ses navires de leurs campagnes de pêche... et les accueillir avant même qu’ils n’accostent.

Un commissariat qui voit loin
Pas de souci pour les Gravelinois, ils sont bien gardés car un peu plus loin, dans la rue Aupick, se dresse une dernière demeure d’armateur. Pour une visite, c’est différent car, aujourd’hui, la demeure abrite le commissariat. Construite aux XVIIIe et XIXe siècle, elle appartenait à Jules Torris, dont les initiales ponctuent discrètement la façade. La tour de guet est haute, spacieuse et particulièrement décorée. Le toit de zinc, en coupole, reproduit les écailles d’un poisson tandis que les montants de la verrière sont ouvragés, répondant aux sculptures des fenêtres. La demeure est impressionnante bien qu’aujourd’hui, elle ne s’élève plus au milieu du parc qui l’entourait, signe ostensible de richesse dans une ville fermée où l’espace manque singulièrement. Jules Torris pouvait s’offrir ce luxe : ancien juge de paix, il avait opéré une brillante reconversion dans la brasserie, le négoce… et l’armement naval ; bref, une réussite à la flamande.
Comme les maisons de pêcheurs, ces demeures témoignent discrètement des fortunes passées et n’auraient pas déplu à Pierre Loti ou à Garneray...

Sur le quai de la Gare de Dunkerque, les Saint-Polois reviennent enfin dans leur ville plusieurs semaines après la reddition allemande du 9 mai 1945.

Prisonniers chez eux

Alors que la France était libérée, le camp d’internement de St-Pol retenait ceux qui ne voulaient pas partir.

Septembre 1944
: le Nord se libère, l’étau se resserre autour des Allemands qui s’enferment dans la poche de Dunkerque, emprisonnant pas moins de 12.000 Allemands et 25.000 civils. Une trêve est conclue les 4 et 5 octobre afin d’évacuer presque tous les civils car quelques réfractaires, qualifiés de « bouches inutiles », refusent de partir. Pour mieux les contrôler (et mettre main basse sur leurs vivres), les occupants créent quatre camps d’internement le 14 février 1945 à Coudekerque-Branche, Malo, Rosendaël et Saint-Pol.

Une organisation stricte
A Saint-Pol, les civils furent enfermés entre les rues Ferrer, Etienne Dolet, Victor Hugo et Faidherbe. Les limites sont marquées par des clôtures en barbelés. Le capitaine Schmidt est nommé pour les commander et loge dans le camp. On lui adjoint un chef civil, le maire de Petite-Synthe, M. Albert Barbary, à qui est affecté l’immeuble du 5 rue Ferrer pour y installer son administration. L’édile est loin d’être inactif. Sa charge lui impose de faire l’appel des internés, de surveiller l’aspect du camp, de répartir les vivres et de servir de « juge de paix ». Plus encore, étant le seul magistrat resté dans la Poche de Dunkerque, il assure des fonctions majorales. Sa tâche est lourde car le camp de St-Pol accueille 110 internés venant de cette ville, de Fort-Mardyck, de Grande-Synthe et de Petite-Synthe.

La difficile vie quotidienne
Les Allemands imposent de travailler aux internés contre mériter un maigre rationnement. Les corvées peuvent être payées mais au tarif pratiqué par les armées d’occupation (8 francs de l’heure), et ce dès l’âge de 14 ans. Il ne y avoir de « bouche inutile » pour l’amirauté allemande : les femmes sont réquisitionnées pour la lessive et des travaux de couture. Elles doivent fournir des vêtements pour la troupe qui manque de tout. Les hommes, quant à eux, sont employés à la construction et au renforcement des fortifications comme aux travaux agricoles puisque le ravitaillement manque cruellement.
On s’organise comme on peut et la population élève de nombreux animaux destinés à améliorer l’ordinaire : plus de 600 lapins, presque 400 poules, des canards, des oies, des vaches et des chevaux. On manque de tout et il faut appliquer chaque jour le « système D » : pour moudre du grain, les habitants bricolent un moulin à partir d’un vélo et si les cigarettes vendues par les Allemands sont trop chères (20 francs l’unité), l’on fume des feuilles de groseilliers..

Mais la guerre continue…
Les Alliés continuent de pilonner Dunkerque, les camps sont aussi touchés par les bombardements. Dans les limites de St-Pol, Marcel Hivin, Charles Lantoin et Mlle Hennebile, âgée seulement de 18 ans, compteront parmi les victimes. Chaque interné avait gardé l’espoir que la guerre prendrait vite fin mais le 18 avril , une nouvelle trêve est conclue : 145 civils désignés par l’occupant quittent le camp, 3 internés de St-Pol sont du nombre. Des camions britanniques les emmènent à Lille.

Le 9 mai, enfin, au terme de 85 jours d’internement, les St-Polois et les autres internés, peuvent connaître enfin la liberté pour quelques temps. En effet, l’amiral Frisius ayant reçu de Berlin l’ordre de se rendre, la capitulation prend effet dans la journée. C’est tout naturellement que les civils retournent chez eux. La liberté est de courte durée car les britanniques les emmènent tout de suite à Lille où l’on soupçonne ces réfractaires d’intelligence avec l’ennemi pour finalement les disculper. Les Anglais tiennent la ville et en proscrivent l’accès, provoquant l’incompréhension des civils : comment se fait-il que leur ville leur soit interdite alors que les Allemands ont toléré leur présence… Ce n’est que le 21 avril que l’agglomération fut rendue aux Français, fermant définitivement la parenthèse du camp de St-Pol. Les habitants peuvent revenir enfin de leur exil (notamment dans la Marne, l’Aube ou la Côte d’Or), un conseil municipal est réinstallé et le camp d’internement passa au rang de un mauvais souvenir.

vendredi 15 avril 2005

visage fatigué, traits tendus mais aux muscles saillants... Le mineur sait la valeur de son mêtier mais aussi les terribles difficultés à surmonter.

Permanence dans les paysages de la plaine: les moulins. A Hondschoote, une pourte fait du Noordmeulen le plus vieux des moulins à vent d'Europe.

Il n'est guère plus que quelques visiteurs qui rappellent les forêts de vergues et de hunes qui changeaient il y a un siècle le visage des quais dunkerquois.

Un dernier appel à la charge des Bleus de Wattignies. Adopté par Avesnes-sur-Helpe, le Petit Ströh bat la dernière chamade pour la République naissante.

A qui d'autre, si ce n'est le soleil, peut-elle bien s'offrir?

Un paysage de moins en moins courant: l'église au milieu du village escortée par son klokhuis... Hardifort résiste au passage des siècles.

jeudi 14 avril 2005

Dans la plaine de Flandre rechercher la fraîcheur...

Les coquelicots de John Mc Crae

Si sur les tombes britanniques fleurissent de discrets coquelicots de papier, tressés parfois en couronne, que l’on peut trouver sur toutes les stèles et cénotaphes, comme au cœur de la cathédrale d’Ypres, c’est à John Mc Crae que l’on doit cette image. La France a choisi le bleuet, les britanniques la fragile fleur des champs, le « poppy », dès 1921. Pourtant la « fleur du souvenir », que l’on arbore au « Poppy day », ne rappelle pas la couleur des uniformes de parade mais la vision du champ de bataille de l’Essex Farm à Boezinge, près d’Ypres.

Le poème In Flanders Field renvoie à tous les témoignages d’auteurs connus comme d’anonymes et est devenu bien vite le symbole de toute une génération fauchée dans la fleur de l’âge, à l’instar de Dorgelès ou de Genevoix.
Né au Canada en 1872, ce médecin et biologiste s’enrôle volontairement pour la guerre des Boers en Afrique du Sud puis fait de même pour intégrer le Corps Expéditionnaire canadien dès le début de la Grande guerre. Promu au grade de Lieutenant-Colonel du Corps médical canadien, il aurait écrit en mai 1915 ce poème au cœur de la mêlée des Flandres, à Boezinge. Muté à Boulogne, il décède à la fin de janvier 1918 à l’Hôpital militaire britannique de Wimereux.

Terriblement évocateur, ce poème évoque en toute simplicité les champs de bataille de Flandre :

Au champ d’honneur, les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix; et dans l’espace
Les alouettes sont devenues lasses
Mêlant leurs chants au sifflement des obus
Des obusiers.

Nous sommes morts
Nous qui songions la veille encore
A nos parents, à nos amis,
C’est nous qui reposons ici
Au champ d’honneur

Les campagnes de Flandre, belge et Française, sont parsemées de ces champs de bataille, de vestiges et de lieux de souvenir. Aujourd’hui il est possible de visiter la position où Mc Crae rédigea ce poème à Boezinge, où les bunkers côtoyant l’Essex Farm se dressent encore, veillant toujours sur le canal le long du Diksmuideweg (le chemin de Dixmude)…

Cher au coeur de tout Lillois... Le mur des fusillés, devant la Citadelle, il oblige au souvenir des souffrances de l'occupation de 1914 à 1918

Les premiers résistants

La résistance est chère au cœur des gens du Nord, que ce soit à Lille ou ailleurs, quelle que soit la forme de l’oppression. Si l’occupation de 1940 fut si douloureuse, c’est aussi parce qu’elle renvoyait à un souvenir dramatique : celle de la Première guerre mondiale.

Lille, sur laquelle l’Etat-major ne comptait que peu, puisqu’à la veille du conflit l’on envisageait de la désarmer, fut rapidement enlevée par les troupes du Kaiser. L’irruption des troupes allemandes le 12 octobre 1914 par la Porte de Douai ne permit pas aux 2.795 soldats français d’opposer une longue résistance et jeta les lillois dans le désarroi. Une longue occupation commence alors que la population est prisonnière des remparts de la ville, jusqu’à ce que les Anglais puissent entrer dans la capitale des Flandres le 17 octobre 1918…

Durant ces quatre années, privations, réquisitions, humiliations, rafles, déportations, voire pire.


Un monument perpétue le souvenir de ces années noires souvent oubliées du reste de la France. C’est que la situation de Lille est spécifique : la ville, proche du front, est capitale pour les Allemands. Autant dire que la population lilloise est soumise à de rudes épreuves car le régime qui leur est imposé est d’une dureté exemplaire. Des réseaux se constituèrent pour mettre sur pied une résistance efficace. Le monument qui se dresse devant l’esplanade de la citadelle, au devant du canal de dérivation de la Deûle, rend hommage au comité Jacquet, aussi important pour les Lillois que Louise de Bettignies, en l’honneur de qui l’on baptisa une petite place au cœur du vieux Lille, ou Léon Trulin à qui l’on dressa une statue avenue du Peuple Belge.

Jacquet et ses amis constituèrent un comité, véritable réseau qui collectait des renseignements, exfiltrait des pilotes alliés. Ce comité très actif fut dénoncé, arrêté par traîtrise puis jugé. Quatre hommes furent fusillés le mardi 22 septembre 1915 dans les fossés de la citadelle après avoir été détenus quelques jours dans une cellule de la Porte royale de la citadelle: Eugène Jacquet, Georges Maertens, Sylvère Verlust et Ernest Deceuninck. Tout comme le jeune Léon Trulin, les trois premiers inhumés au cimetière de l’Est tandis que la dépouille d’Ernest Deceuninck fut, comme il l’avait souhaité, transporté de ce cimetière à celui d’Armentières dont il était natif. Une statue lui fut dressée à Armentières mais elle fut discrètement démontée sur ordre des Allemands en 1940 puis retrouvé sa place à la libération.


A Lille, un monument fut commandé en 1929 au sculpteur Desruelles, les quatre hommes font fièrement face au sort qui les attend, le dos au mur. Le sculpteur les associa à Léon Trulin, gisant à terre. En 1940, les Allemands s’installant à nouveau dans la ville dégradèrent le monument très sérieusement, il fut parmi les premiers que les Lillois restaurèrent. Aujourd’hui, les souvenirs des résistants des deux conflits se rejoignent puisque les années 90 virent s’élever un autre monument près de lui, dédié lui au Général de Gaulle, autre enfant illustre de la cité flamande.

D’autres Lillois résistèrent tels Léon Trulin, associé au souvenir du Comité Jacquet. Immigré belge installé à Lille, ce jeune garçon gagna l’Angleterre en juin 1915 mais ne put s’enrôler dans son armée exilée. Il regagna le continent non sans être chargé de missions de renseignement. Capturé, il fut passé lui aussi par les armes le 8 novembre 1915. Il était à peine âgé de 18 ans .


Il serait injuste d’oublier Louise de Bettignies. Les femmes, dans les deux conflits, prirent une large part à la résistance à l’oppression. Noble, Louise de Bettignies était issue d’une famille qui connut quelques revers de fortune. Elle n’en avait pas moins reçu une éducation soignée, en étant notamment diplômée d’Oxford. Polyglotte, elle refusa même de devenir la gouvernante des enfants de François-Ferdinand d’Habsbourg, dont la mort précipita le monde dans la guerre. Au début de la guerre, elle fit un voyage rapide en Angleterre, où elle se mit à la disposition de l’Intelligence Service, selon elle, plus efficace et plus généreuse que les services français. A la tête d’un réseau, elle oeuvra dans le renseignement puis finit par tomber entre les mains des Allemands. Incarcérée à Bruxelles, elle fut condamnée à mort le 2 mars 1916, peine commuée en travaux forcés à perpétuité. Transférée à Siegburg, soumise à de mauvais traitements, elle finit par tomber malade. Mal soignée, elle décède en détention le 27 septembre 1918 à Cologne.

Le Princess Elizabeth, rescapé des traversées de la Manche pendant l'Opération Dynamo, a des occupations plus pacifiques: il est une des plus belles salles de réception de la ville de Dunkerque.

symbole de notre région... Le beffroi, donjon des pouvoirs civils et âme de nos villes... Celui de Douai brille sous le soleil de Flandre.

Une image devenue rare: la châtellenie de Cassel, ancien QG de Foch, actuel musée, débarassé des stigmates de la modernité... aucune voiture ne stationne devant elle.